Sur le ton parodique et fantaisiste qu’on lui connaît depuis sa Traversée du Mozambique par temps calme (Seuil, 2008), Patrice Pluyette nous invite à un nouveau voyage, délirant, hilarant, absurde, où le plaisir palpable de l’affabulation provoque un vrai plaisir de lecture. Ne nous en privons pas, malgré des parties inégales et quelques facilités (vite pardonnées).
Hercule « le non-homoncule » est le héros de ce roman. Analphabète et innocent, Hercule boit du lait grenadine, parle aux arbres et aux oiseaux tout en abattant une masse incroyable de travaux paysans : pourtant, « il ne transpire pas, ou peu, et quand il transpire, ça ne se voit goutte, et quand il défèque ça ne sent mie ; son haleine reste fraîche en toute circonstance ; ses cheveux ne se décoiffent jamais ». Hercule a ses habitudes : à l’aurore, se lave à la fontaine des Vierges. Parodie du bain de Diane, cette scène édénique inverse les rôles : ici c’est le mâle qui se dévoile, et la femme, Angélique, qui, tapie dans un buisson, regarde – l’incroyable panoplie de muscles jouer sous la peau, le ruissellement caressant de l’eau et une lune inattendue lorsque des mains du demi-dieu la savonnette s’échappe sans crier gare. Coup de foudre ! Et révélation lorsqu’enfin les corps se mêlent ! Mais du paradis, le destin est d’être chassé : en plein voyage de noces à bord du Magnifique, ce monstre des mers qui vous emmène en de somptueuses croisières, et vous offre tout, absolument tout, pour satisfaire le moindre de vos désirs, « Angélique découvr(e) qu’en réalité Hercule s’appelle Jean-Claude, qu’il fume dans les toilettes, préfère s’asseoir près du hublot et regarde de trop près l’hôtesse de l’air qui se prénomme Colombelle. »
Fin de l’idylle : bienvenue dans la réalité. Désormais calibrés en pulsions consuméristes, transformés en produits par l’industrie du rêve, que sont nos désirs devenus ? Au catalogue, tentation porno et ersatz en tous genres : le paradis en carton-pâte, servi sur un plateau Sodexo.
Valérie Nigdélian-Fabre
Un été sur le Magnifique
de Patrice Fluyette
Seuil, « Fiction et Cie », 240 pages, 18 €
Domaine français Un été sur le magnifique
octobre 2011 | Le Matricule des Anges n°127
| par
Valérie Nigdélian
Un livre
Le Matricule des Anges n°127
, octobre 2011.