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Domaine étranger Troubles à l’école

octobre 2011 | Le Matricule des Anges n°127 | par Thierry Guinhut

Avec La Répétition, Eleanor Catton met en scène des provocations comportemen-tales et théâtrales.

Pour tenter d’assurer un succès au roman de mœurs contemporain, il faut pointer un tabou. Ce sera la sexualité des adolescentes confrontées à la sujétion des adultes. Sujet post-Lolita bateau. Pourtant, Eleanor Catton, âgée aujourd’hui de 26 ans, a su aller au-delà des clichés moralisateurs et du racolage avec un roman surprenant. Deux intrigues courent, dont la seconde est la « répétition » de la première, au sens propre et théâtral. L’histoire de Victoria, enregistrée par une prof de saxophone qui recueille les voix d’élèves et de parents ; ensuite, l’école de théâtre du jeune Stanley.
S’il ne s’agissait que de la relation sexuelle entretenue par Mr Saladin et Victoria, son élève mineure, l’anecdote ne vaudrait guère d’être rapportée. Mais Catton sait donner une épice de vérité à ses personnages, grâce à une langue acérée, nourrie d’images coruscantes. Le franc-parler, les qualités d’analyse cynique de la prof ne s’embarrassent pas de politiquement correct : elle enseigne « la langue du saxophone » comme celle « des orphelins et des bâtards et des putains », elle veut des élèves « duvetées et pubescentes », elle voit le «  péché » de Victoria comme « un état, une maladie fourrée tout au fond d’elle ». Comparant son initiation avec celle par « un garçon sans caractère  », et pas au bénéfice de ce dernier. La provocation choquera…
La satire du monde des adultes est criante. Le psychologue fait subir à la classe de Terminale des séances moralisatrices bêlantes d’ennui, dynamitées par l’ironie de Julia, l’élève hors normes. Mais elle est dépassée par un tableau sans fard de la perception des adolescentes un peu horrifiées, curieuses, voire jalouses de l’expérience du trentenaire et sa tendre élève. D’autant qu’après le scandale, elle voit en cachette son amoureux renvoyé du collège, à qui Julia reproche de n’avoir pas attendu les mois qui la séparaient des dix-huit ans.
Certes, ce chiffre est arbitraire. Mais il en faut bien un, d’autant que la séduction, si apparemment consentie, est affaire de pouvoir : « Monsieur Saladin, en tant qu’enseignant, a abusé de son autorité en cherchant à nouer une relation avec une élève  ». Il est indéniable que ce livre, écrit par un homme, aurait pu valoir à son auteur un soupçon de complaisance envers la pédophilie. Catton dénonce le « culte de la victime » et la « rumeur » infondée : Victoria « finira en sérial coucheuse », « loque émotionnelle ». De plus, elle sait suggérer la tendresse entre Victoria et Saladin, l’émotion de Stanley, brisé par le double jeu de la trop jeune Isolde qui ressent « cette panique écorchée du désir en abysses », mais lesbien.
Quoique ambigu, rien d’obscène en ce roman psychologique. Sauf les franges perverses de la manipulation par les maîtres de théâtre qui laissent leurs élèves s’aventurer sur le territoire de la représentation du scandale. Car les « Maître(s) d’Interprétation  », « du Mouvement », « d’improvisation » règnent sur cette école sélective, en gourous, semi-sensés, semi-hallucinés : « Nous vous encourageons à soigner votre condition physique, à tomber amoureux, à vous masturber. » Quant à « l’exercice inspiré du Théâtre de la Cruauté  », il franchit les bornes de la violence, de l’humiliation publique…
On pourra reprocher à ce roman de formation de n’avoir qu’une fin partielle. Ou apprécier sa conclusion ouverte qui laisse liberté aux personnages de se développer selon nos imaginaires.
La richesse stylistique, même si les leçons de théâtre ronronnent parfois dans la facilité factuelle, l’angle d’attaque de son sujet – analyses adolescentes et profs non conventionnels – laissent espérer que ce roman n’est que le premier parmi de nouvelles surprises. Que notre Néo-Zélandaise n’abandonne pas son exigence de vérité intérieure, son regard déstabilisant, et nous épargne de devenir une faiseuse de scénarios convenus…

Thierry Guinhut

La Répétition
d’Eleanor Catton
Traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande) par Erika Abrams
Denoël, 448 pages, 22

Troubles à l’école Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°127 , octobre 2011.
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