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Domaine français Latin lover

janvier 2012 | Le Matricule des Anges n°129 | par Dominique Aussenac

Le moteur d’écriture de Julien Campredon, c’est le goût de l’aventure. Portait d’un désenchanté réenchanteur à l’humour potache et à la gravité lunaire.

Brûlons tous ces punks pour l’amour des elfes

En cette mi-décembre, Toulouse attend nonchalamment l’hiver. Des soldats en arme patrouillent. Le buffet de la gare condense plus pacifiquement le temps. Les lambeaux de passé volettent, le présent s’éternise et un futur possible vient s’asseoir à la table. Yeux verts derrière des lunettes de myope, air doux presqu’enfantin. Un type qui n’a pas la tête de ses écrits ! Nouvelles ébouriffées, turbulentes, picaresques : mix improbable de récits mythologiques, Don Quichotte et BD. En moraliste, Julien Campredon part de la fumure du quoti-dien : la recherche d’un emploi, la perte de l’identité, le factice, l’absurde. Se joue des stéréotypes, cultive le kitsch et l’outrance. Ses fables invitent au burlesque, à la fantasmagorie, à la réflexion aussi. « Les gens me prennent pour un cocaïnomane compulsif qui saute avec un slip sur la tête. C’est pas moi, c’est le monde dans lequel je vis qui marche sur la tête.  »
Né à Montpellier en 1978, titulaire d’un DEA de droit, marié, vivant dans le Tarn, Julien Campredon n’est plus un jeune écrivain. Une nouvelle au titre énigmatique, Boris le Babylonien contre l’aligot littéraire, publiée à L’Atelier du Gué en 2006. Trois recueils (Brûlons tous ces punks pour l’amour des elfes, L’Assassinat de la dame de pique et L’Attaque des dauphins tueurs) et déjà une réédition. Ce qui l’a déterminé à écrire : « L’idée que je ne voulais pas vieillir avec des regrets ». Ce qui surprend : sa frustration rageuse d’appartenir à une génération désenchantée. Un monde fini oscillant entre chômage et sida.
Enfant, il s’interroge sur son environne- ment : mélange de technologies et d’archaïsmes. Lycéen, les Clash qu’il admire font figure de has been. Il ne perçoit que de très loin le bouillonnement culturel de la Ville rose : Zebda, Les Fabulous Trobadors. Étudiant, il arbore sur son blouson un « star sans avenir ». « Aujourd’hui, il y a un monde où on nous dit, vous allez vivre comme ça, point barre. Ça ne sera jamais nous les Indignés. On est une génération complètement molle. »
Les années de galère à ne pouvoir monnayer son diplôme, l’inspirent. Sa nouvelle « Avant Cuba » relate un entretien entre le matricule 274-B à la recherche d’emploi et l’agent qui pense à ses futures vacances. 274-B s’endort, rêve de rébellion et de frénésie érotique. « Il était une époque et une société dans lesquelles, ne sachant plus que faire de la jeunesse, on avait remplacé la vacuité du service militaire par des heures, voire des vies perdues dans les agences nationales pour l’emploi. »
Des petits boulots, il évoque sa place de veilleur de nuit au Musée des Carmélites, « petit bourgeois » au milieu de collègues plus précaires que lui. Dans « Brûlons tous ces punks pour l’amour des elfes », des punks attaquent le musée, de nuit, au cocktail Molotov. Les veilleurs ripostent à la grenade, à la kalachnikov. Qui sont les elfes ? « Les artistes, ils étaient encore plus blonds que des cadres culturels, ils étaient grands, ils étaient aryens et face à eux, pour le coup, nous n’étions rien, de la poussière, du pas beau qui pue la mort, la sueur et le cassoulet. »
Il n’en peut plus d’entendre seriner qu’ « Il faut quitter notre côté latin », redécouvre ses racines, réapprend l’occitan. Décomplexé, il en ponctue ses textes, se réinvente un Sud profond : un triangle allant de Sète à Toulouse et de Toulouse au Perthus. Centre névralgique, Carcassonne et les Corbières. Il se joue aussi de la couleur locale dans « La Branleuse espagnole », odyssée spermatique partant de l’île singulière. « C’est l’idée que je me fais de Sète. Un Sétois ne s’y reconnaîtrait pas. » Pourtant la nouvelle vibre, bolègue comme un tableau de Combas ou une œuvre des Di Rosa.
Des trois recueils publiés, L’Assassinat de la dame de pique occupe une place à part. Il y construit et déconstruit. « J’ai voulu une écriture classique afin de pouvoir me concentrer sur la complexité des textes. » Influences : Borges ? « À la fois un maître technique et intellectuel ; une sorte d’exhibitionniste dont on ne peut qu’admirer la constitution, mais à qui on a parfois envie de claquer le nez entre ses propres pages. » Il se ravise, argue qu’enfant il lisait des romans d’aventures : Huckleberry Finn, des histoires de cow-boys, de pirates. « Des références, j’en ai trop et pas assez pour répondre. Concernant la littérature d’Amérique latine, j’y trouve un modèle de principe, le terreau littéraire y est incroyablement riche, avec plusieurs strates de réalités, de religions, de langues, d’histoire… Cet univers fait côtoyer la modernité avec des indiens, des territoires vierges, des bandits, des fantômes, des aventuriers : c’est fascinant. Or, nous aussi, nous avons des territoires imprégnés d’aventures, de magie, de croyances. Nous avons l’univers sous nos pieds, mais pour y avoir accès, il faut dépasser une certaine inculture consensuelle. »
Son futur : écrire un roman de chevalerie. Histoire d’exceller dans l’art du contre-pied ? « Ma grand-mère a toujours dit que j’avais mauvais esprit. Je crois que c’est le rôle de l’écrivain de vivre et de dire les choses différemment. »

Dominique Aussenac

L’Attaque des dauphins tueurs
et Brûlons tous ces punks pour l’amour des elfes
de Julien Campredon
Monsieur Toussaint Louverture, 160 et 128 pages, 15 et 14

Latin lover Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°129 , janvier 2012.
LMDA papier n°129
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