Le Vigan, aux portes des Cévennes. C’est dans une ancienne chapelle, dont le dernier résident officiait comme imprimeur, que les éditions L’Arachnoïde ont élu domicile. C’est là qu’Olivier Cabière conçoit ses livres, impeccablement soignés, aux couvertures invariablement noires (hormis celle, rouge écarlate, de Trois cailloux pour Walter Benjamin). « J’installerai bientôt une presse pour travailler au plomb », précise-t-il. Un semblant de désordre domine. Faut-il en être surpris ? L’Arachnoïde, ce tissu qui relie l’encéphale à la colonne vertébrale, compose une étrange toile depuis dix ans, au gré de parutions irrégulières. Ce sont des auteurs en rupture, souvent en dissonance avec le monde, qui attire le jeune éditeur. Des écritures sensuelles, ardentes, vénéneuses, psychédéliques. On peut y lire quelques astres perdus héritiers en partie du surréalisme : Stanislas Rodanski, Claude Tarnaud, Marie-Françoise Prager, Alain Borne (cf. page 46), mais aussi Matthieu Messagier, Mathieu Bénézet… Il y a des inédits, parfois des rééditions, avec le souci toujours de combler « un vide ». Ainsi, avec l’anthologie X poètes au féminin, L’Arachnoïde remettait un peu de lumière sur ces voix suppliciées « au cœur anéantissant de la beauté des choses » que sont Alejandra Pizarnik, Danielle Collobert, Gilberte H. Dallas, Nelly Sachs…
Né en 1974, originaire de Montpellier, Olivier Cabière a du sang mêlé, « moitié maltais, moitié pied-noir tunisien ». Il quitte le lycée à 16 ans (« je suis un barbare », sourit-il) avant de reprendre des études de sociologie. « J’avais comme prof Bruno Roy », le fondateur des éditions Fata Morgana. Il y fera ses premières armes. « J’allais corriger les épreuves à l’imprimerie de la Charité. Ce monde-là, celui des ouvriers du livre, était fascinant. » Pudique, comme embarrassé de lui-même, Cabière parle plus facilement des autres. L’Arachnoïde est une aventure collective. Il cite Debord, Bolaño, Sebald, Brütt de Friederike Mayröcker, « le meilleur livre de poésie publié depuis dix ans ». Rend hommage aux éditeurs qu’il admire : Pierre Seghers, François Di Dio, Guy Chambelland, Jean-Pierre Sintive. Loue « la belle énergie » des catalogues du Dernier télégramme ou de Fissile. Et conçoit l’édition de poésie comme une « lutte permanente » puisqu’il s’agit de « reconquérir un espace psycho-géographique ».
Les premiers titres de L’Arachnoïde ont été publiés avec François Di Dio, fondateur du Soleil noir (1947-1983). En quoi cette collaboration fut fondatrice pour vous ?
Oui, les trois premiers titres, le quatrième a été envoyé par Matthieu Messagier en hommage à François Di Dio après sa mort en 2005. J’ai rencontré François Di Dio, qui était l’ami de Breton, quelques années plus tôt, par l’entremise de Cédric Demangeot. À cette époque, je préparais une thèse intitulée « Le terrorisme amusant et les excès mineurs ». J’étais atterré. Et pour cause : trois auteurs, Jean-Pierre Duprey, Stanislas Rodanski et Claude...
Éditeur Étoiles distantes
septembre 2012 | Le Matricule des Anges n°136
| par
Philippe Savary
Fondées en 2003 et marquées par la mouvance post-surréaliste, les éditions L’Arachnoïde ont le goût des soleils noirs, assoiffés d’absolu. Tout en cherchant à s’émanciper.
Un éditeur