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Poésie Un incendie sans flammes

septembre 2012 | Le Matricule des Anges n°136 | par Richard Blin

Alain Borne est un poète à redécouvrir pour sa sensualité profuse et la volupté sombre de ses rêves poignardés.

Le plus doux poignard

Il n’y avait rien. Il y eut quelque chose. Il n’y a plus rien. / Si le néant était demeuré noir, je ne le conterais. Mais pour un temps, il devint clair. / C’est ce passage du noir au noir à travers la lumière que je chante. » On ne saurait être plus précis. Cette lucidité inflexible et sereine est celle d’Alain Borne, un poète trop peu connu, né en 1915, dans l’Allier, et dont la famille s’installa à Montélimar, ville qui resta la sienne jusqu’à sa mort, le 22 décembre 1962, lorsque sa voiture s’encastra sous l’arrière d’un camion. Devenu avocat, il allait plaider à Avignon mais c’est la poésie qui lui importait avant tout. « La poésie seule est vie, le reste est subsistance. » Ses premiers livres – Cicatrices de songes (1939), Terre de l’été (1946), Poèmes à Lislei (1947), L’Eau fine (1948) – furent salués par Aragon, Jaccottet, Char. L’amour, la mort, l’enfance « et son orange d’or », l‘enfance « et la tente des haies sous quoi la chair brillait inconnue et blanche », sont les pôles d’une poésie tragiquement vécue, indissociablement mêlée aux circonstances d’une vie modelée par les orages du cœur, et les tempêtes du sang et de la chair, ainsi qu’en témoignent ces quelques autres titres – L’Amour brûle le circuit, La Dernière Ligne, La Nuit me parle de toi, Vive la mort – ou Le plus doux poignard, un ensemble d’inédits, initialement paru en 1971.
Livre où se condense le précipité d’une vie faite de soifs et de fièvres, d’amours et de songes, d’absence et de solitude. Nulle alchimie du verbe, ici, mais sous le masque des mots de tous les jours – et sous un ton à la fois saisissant et quelque peu anachronique – une poésie ouverte sur son secret, son « arche de ruses », son enracinement amoureux et érotique dans une lyrique imagerie végétale, que double une conscience déchirante du périssable, de tout ce qui corrompt la beauté, la navre, comme si la mort en formait le noyau central. « Si je trouve celle que ne blesse aucune nudité, je veux bien mourir avec elle, car la mort est le seul sexe apaisant de la vraie beauté. »
Vivre, aimer, Borne l’a fait passionnément. De l’émoi instinctif, primitif et primal face à la beauté charnelle, il ne cache rien. « Il y avait des jeunes files, plutôt robe que chair, plutôt paroles qu’âme. / Leur baiser n’ayant pas faim ne rassasiait pas. Elles n’osaient rien voir des yeux de leurs seins nus. / Là, elles étaient là, forêt où se vautrer d’oubli, mangeoire aveuglante, massue ouverte… » Mais sous la célébration de l’essence florale et animale de la femme, c’est l’amour, « avec son insolent éclat de toujours », qui montre sa nature illusoire derrière laquelle s’ouvre le puits abyssal de l’inétreignable, de l’incomplétude, de l’inassouvi, et qui renvoie à ce qui manque et manquera toujours. Blessure d’être par où l’être s’en va, et qu’il tente de guérir dans l’ivresse du chavirement sexuel. « Rien ne m’apaisera que la chambre et le sexe au centre de la croix. / J’irai à lui par les chemins de la fleur, mes mains sont ivres de peau, autant d’absence que de présence, mes yeux n’ont pas à se fermer pour brûler d’images, mes yeux n’ont pas à se poser pour ameuter mon sang vers le seul grand geste qui ne soit point un meurtre. »
Mais, « ver luisant sur une main de nuit », l’homme, poète ou pas, doit consentir à la dépossession, accepter l’emprise du néant même si c’est en s’affirmant vivant devant l’inéluctable. « Les poèmes qui ne nourrissent ni de roses ni d’oiseaux ont une santé à briser le monde. » D’où cette conception de la poésie comme forgerie du plus doux poignard. « Le poignard est beau, forgé par les mots, luisant et rouillé ainsi qu’un œil, louchant, percé, perdant son eau », illustrant la férocité du désir mais aussi la souffrance face à notre finitude.

Richard Blin

Le plus doux poignard
Alain Borne
L’Arachnoïde, 80 pages, 14

Un incendie sans flammes Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°136 , septembre 2012.
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