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Égarés, oubliés Fraîches perspectives

février 2013 | Le Matricule des Anges n°140 | par Éric Dussert

Impénitent fictionneur, Octave Béliard était fasciné par l’ésotérisme. Mais avec de Petits Hommes ou La Petite-Fille de Michel Strogoff, il imagina de curieuses histoires.

Fils d’un capitaine au long cours, Octave Béliard était un aventureux. Pas sur les mers s’entend, sur le papier. Né le 12 décembre 1876 à Paimbœuf (Loire-Atlantique), il aurait d’ailleurs pu s’enquérir d’îles lointaines, de marins et de contrebandiers, de filles au corps ambré et de trésors en billets ou en lingots éblouissants. Il n’en fut rien : son imaginaire l’entraînait ailleurs.
Après avoir suivi des études de médecine au terme desquelles il revêtit le titre de docteur, il traça sa carrière sur le terrain des lettres, et commença par devenir journaliste. Installé à Montjean-sur-Loire, il entame une collaboration avec la Revue du théâtre Graslin, puis avec Nantes mondain. Bientôt, signe du chemin qu’il a parcouru, il est accueilli dans les rédactions parisiennes des Hommes du jour, d’Art et médecine, et du prestigieux Mercure de France. Il a déjà à son actif Les Caquets du docteur (1909) – titre inspiré par Les Caquets de l’accouchée, fameuse satire anonyme du XVIIe siècle – et Le Périple (en collaboration avec Léon Gaubert), un panorama du monde de l’ésotérisme du début du siècle dont il va devenir un grand spécialiste, tout prêt à croire à la venue d’un Homme nouveau, plus cérébral, plus… humain. Fasciné par les secrets du monde impalpable, ami du spiritiste Papus et membre de l’ordre Martiniste traditionnel (en référence à la doctrine de Louis-Claude de Saint-Martin), il avait été initié très jeune à cet ésotérisme issu des Lumières qu’il fit valoir et lui inspira de nombreuses pages de littérature.
Autant qu’à la fiction, Octave Béliard se consacre aux essais (Sorciers, rêveurs et démoniaques, 1920 ; Méditation sur la douleur, 1921 ; Magnétisme et spiritisme, 1933). Mais au-delà de ses biographies de Sade ou de Danton (elles n’ont pas laissé un souvenir impérissable, bien qu’elles signalent certains intérêts curieux son époque), il écrit des nouvelles qui conservent elles, et longtemps, l’intérêt des lecteurs de science-fiction ou de littérature fantastique. Son œuvre compte là plusieurs réussites, comme Les Petits Hommes de la pinède (1930), ou cette Petite-Fille de Michel Strogoff, la suite des aventures du héros de Jules Verne, qui lui vaut le prix du même nom en 1927. Restent aussi tout à fait lisibles les Aventures d’un voyageur qui explora le temps (1909) renouvelant le mythe de Romulus et Remus en expédiant deux enfants du XIXe siècle vers une Rome encore incréée, sept cents ans avant J.-C., et les nouvelles du Décapité vivant (1944) où l’on trouve un fameux « Malacanthrope », sorte d’homme-escargot si l’on peut dire, qui perd la vue en omettant de retirer ses yeux avant la fermeture d’une porte, ce ballot. Du reste, la curiosité est un vilain défaut. On ne s’étonnera guère du fait que les nouvelles de Béliard aient été souvent reprises dans les anthologies de genre : elles ne manquent pas d’humour subreptice. Béliard était médecin, ne l’oublions pas, un métier où l’on soigne la mélancolie avec une forte joie de vivre.
Ainsi, il contribua dans le magazine populaire Lectures pour tous à la perpétuation d’un thème qui fit souvent recette et justifia au cours des deux derniers siècles de plaisants récits, celui d’un Paris enseveli par le Temps et redécouvert des siècles plus tard. L’intervention de Béliard est la preuve que l’on peut faire œuvre imaginative sur un terrain couru sans confiner au plagiat. Il s’y montre l’incarnation de l’homme de lettres des Roaring Twenties, ces ronflantes années 20. Plus épique que ses prédécesseurs Joseph Méry ou Henriot, Octave Béliard apporte à son sujet une dose de poésie que ces prédécesseurs n’avaient qu’effleurée, ainsi qu’un sens de l’aventure qui n’étonne guère au début du XXe siècle. Le cinéma muet, l’avion, l’automobile ont donné aux arts une dynamique nouvelle qui vint s’adjoindre à cette idée uchronique pleine de promesses satiriques et d’insolence potentielle. Et, de fait, l’idée servit souvent… notamment aux périodes historiques les plus politiquement troublées telle que la Commune de 1871 par exemple, ou aux moments charnières en matière de technologie. Bref, dans les moments où la civilisation occidentale, et hexagonale en particulier, subissait les assauts de la modernité ou de la violence.
Avec « La découverte de Paris » (1949), d’abord intitulée « Une exploration polaire aux ruines de Paris » (1911), c’est l’avatar tardif du sujet inventé par l’utopiste Louis-Sébastien Mercier (1740-1814) avec les fictives ruines de Versailles dans L’An 2440, rêve s’il en fut jamais (1771 ; Burozoïque, 2010). Un peu plus tard, délaissant Versailles pour Paris, nouveau lieu du pouvoir, Joseph Méry (« Les Ruines de Paris », 1856) ; Alfred Bonnardot (« Archéopolis », 1859) ; Hippolyte Mettais (L’An 5865 ou Paris dans quatre mille ans, 1865) ou Alfred Franklin (Les Ruines de Paris en 4908, 1875-1908) avaient imaginé dans un futur plus ou moins lointain des expéditions lancées à la recherche des ruines de Paris, cette mythique capitale enfouie par le temps, occasion de découvertes plus cocasses les unes que les autres sur la Ville-Lumière et ses habitants – à tête de veau, comme chacun sait. Le peintre Hubert Robert laissa lui aussi plusieurs versions d’une « Vue imaginaire de la grande galerie du Louvre en ruines » en 1796…
Mais, d’ailleurs, la ville de Paris n’a-t-elle pas couru le risque de disparaître, de fait, depuis deux siècles ? Quelque guerre, quelque bombe auraient pu rayer Lutèce des cartes comme furent effacées Nagasaki et Hiroshima. Il n’y a pas si longtemps, c’est la désobéissance aux ordres d’un soldat allemand qui sauva seule ses monuments les plus prestigieux. Désormais, les changements climatiques pourraient remédier à cet accès de désobéissance. On évoque, par exemple, un nouvel épisode glaciaire qui placerait les trois quarts de la France sous les glaces… Cette hypothèse bien contemporaine fut celle que soutint, littérairement, en 1911, Octave Béliard. Il n’a malheureusement pas donné la date du… rafraîchissement.

Éric Dussert

Fraîches perspectives Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°140 , février 2013.
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