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Domaine étranger Huit femmes

mai 2013 | Le Matricule des Anges n°143 | par Eric Bonnargent

Roman choral, Les Proies de Thomas Cullinan est un troublant huis clos sur fond de guerre de Sécession.

En 1970, sur le tournage de Sierra Torride, Clint Eastwood demande à Don Siegel de lire le roman qui l’a tenu éveillé toute la nuit : Les Proies de Thomas Cullinan. Dès le lendemain, Don Siegel décide de signer l’adaptation de ce roman qualifié par la critique de l’époque de psychological sexual novel. Trop complexe, le film sera un échec.
L’action débute le 6 mai 1864 lors de la bataille de Wilderness qui opposa l’armée nordiste à l’armée sudiste. Cette bataille fut si terrible qu’un immense incendie se déclencha, faisant périr les blessés incapables de se déplacer. C’est dans un fossé qu’Amélia, 13 ans, trouve le caporal yankee McBurney, gravement blessé à la jambe. Jeune sauvageonne indomptable, Amélia vient en aide au soldat ennemi et le ramène au pensionnat dont elle est l’une des dernières élèves. Elles sont quatre autres, Marie (10 ans), Alice (15 ans), Emily (16 ans) et Edwina (17 ans), à suivre les cours de Martha et Harriet Farnsworth. Il n’y a guère que Mattie, la vieille esclave, à ne pas se réjouir de l’arrivée d’un mâle. Antique Cassandre, elle pressent le pire : « Vous venez d’inviter le chaos dans cette maison, malheureuses ! hurla-t-elle. Ramenez cette chose où vous l’avez trouvée. Laissez donc les siens s’occuper de son sort. » Martha sauve la jambe de McBurney qui se remet peu à peu de ses blessures. Enjôleur, il se concilie tout le monde : « La présence du caporal McBurney semblait nous rendre si heureuses que nous toutes, élèves et enseignantes, parvenions comme par enchantement à être avenantes les unes envers les autres sans même avoir à nous forcer. L’école tout entière était d’humeur joviale, voilà tout. » Toutefois, l’harmonie est éphémère : le caporal ignore encore à quel point il ressemble à Macbeth lorsqu’il affirme que sa chute est moins due à son ambition qu’aux femmes, que celles-ci « n’ont pas besoin de raisons pour mal agir. Elles l’ont peut-être fait juste pour s’amuser. »
La jalousie aidant, les tensions s’intensifient et les rancœurs surgissent. Les témoignages de chacune des huit femmes s’entremêlent (la question étant de savoir à qui elles s’adressent…), chacun d’eux exprimant un point de vue particulier sur les événements. Cette cons- truction polyphonique empêche le lecteur de savoir ce qui s’est vraiment passé : McBurney est-il un lâche ou un héros ? Est-il sincère lorsqu’il dit souhaiter la victoire des Confédérés ? Est-ce par perfidie ou pour se protéger qu’il séduit chacune de ses protectrices ?
Un accident transforme ce havre de paix en vestibule de l’enfer. Les non-dits et les secrets qui gangrénaient l’institution puritaine vont être révélés un à un : l’alcoolisme et la faiblesse d’Harriet, la cupidité et les désirs interdits de Martha, la bassesse et la mesquinerie des jeunes filles. Toutes vont s’unir pour se venger de McBurney. Toujours en retrait, Mattie reste la plus clairvoyante : « J’avais aucune idée de tout le mal qu’on avait au fond du cœur, nous toutes. On dirait que personne prend jamais le temps de réfléchir à tout le mal qu’on peut amasser au fond de nous… de s’dire qu’une petite pensée mauvaise vient s’ajouter à une autre jusqu’au moment où il suffit que d’un mot de travers pour tout déclencher… et peut-être même une petite chose de rien qu’elle nous aurait même pas échauffé l’esprit dans une période plus calme… et là on fonce tête baissée et on fait des choses qu’on aurait juré devant le Seigneur tout-puissant d’être pas capable de faire. »
Les Proies est un roman pessimiste, d’une profonde noirceur. Thomas Cullinan explore la part d’ombre que chacun tente d’étouffer, mais que l’occasion est susceptible de faire ressurgir. L’innocence n’est jamais qu’une façade et les cœurs les plus jeunes sont déjà viciés.

Éric Bonnargent

Les proies
de Thomas Cullinan
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-Baptiste Thoret
Passage du Nord-Ouest, 603 p., 24

Huit femmes Par Eric Bonnargent
Le Matricule des Anges n°143 , mai 2013.
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