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Domaine étranger Au nom des siens

mai 2013 | Le Matricule des Anges n°143 | par Martine Laval

Toutes les familles

Le mal de vivre est un héritage, un patrimoine indéfectible pour les uns, une maladie honteuse pour les autres. Quelque chose de sournois, d’obscur, que l’on terre, que l’on fait semblant d’oublier, dont on fait de lourds secrets et qui un jour (comme tous les secrets) vont éclater en mille grenades éparpillées. Quelque chose d’imparable qui se transmet de génération en génération, du père à la fille, de la fille devenue mère au fils. Dans cette famille d’apparence ordinaire (comme toutes les familles), le grand-père se nomme Mario, sa fille Giovanna, son petit-fils, Pietro. Pietro est le narrateur. À pas de velours, à mots de douceurs, Pietro l’instit se raconte, tente de raccorder les fils de son histoire, qui est celle de sa famille, celle de l’Italie. Il fouille, trifouille, raccommode, point à l’endroit, point à l’envers, l’aujourd’hui et le passé. Il avance par bonds, se brouille avec la chronologie, refait surface, raconte sa femme qui le quitte, s’en va faire un enfant avec un autre que lui, Mario qui meurt le même jour, ou plutôt qui est mort depuis longtemps, depuis son retour de la guerre, de la campagne de Russie, l’horreur sur le Don, janvier 1943 : « Sa mère disait que les morts le tenaient éveillé, dehors la guerre était finie mais à l’intérieur on tirait encore. » Mario faisait peur à sa fille. Comment aimer un père aux yeux de fou ? Mario a été placé, laissé seul avec sa douleur, sa folie, personne n’osait prononcer son nom. La mort fait renaître l’ex petit soldat de l’Italie fasciste chez les vivants. Une sorte de résurrection du fond de l’oubli qui hante Pietro, jusqu’à l’inciter à vivre comme par procuration un amour filial avec un autre rescapé des steppes, jusqu’à aller se perdre dans l’immensité de la Russie, à la recherche de traces improbables, à la recherche d’un peu de lui-même. À défaut de comprendre sa propre vie, il imagine celle de son grand-père, ultime tentative pour lui offrir un peu de dignité. D’une souffrance à l’autre, d’une interrogation à l’autre, Pietro imagine un chemin, celui de la réconciliation, de la rédemption.
Ogni promessa, tel est le titre original de Toutes les familles, troisième roman traduit en français du jeune Italien Andrea Bajani. Promessa : la promesse est là et bien là. Après Très cordialement, farce grinçante sur le monde du travail, après Si tu retiens les fautes, recherche éperdue et sensible d’un fils pour sa mère, Toutes les familles consolide le terrible talent d’écrivain d’Andrea Bajani à décrypter les liens qui unissent / désunissent les membres d’une même famille. Mine de rien, il catapulte des dialogues au cœur même de sa confession et parvient à rythmer les contraires dans une narration fluide, imagée, d’une sensualité irradiante. Il fait de la banalité du quotidien une poésie, de la banalisation de la douleur un hymne à la paix. Toutes les familles sont comme toutes les guerres. Elles portent en elles le pire. Andrea Bajani, lui, réussit à cerner les violences, à les nommer, à les dompter. Il est sans rancunes. Il est l’innocence retrouvée. C’est sans doute pour cela ou à cause de cela qu’il écrit avec une tendresse inespérée.

Martine Laval

Toutes les familles
Andrea Bajani
Traduit de l’italien par Vincent Raynaud,
Gallimard, 312 pages, 23,90

Au nom des siens Par Martine Laval
Le Matricule des Anges n°143 , mai 2013.
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