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Domaine étranger Un homme contre

avril 2015 | Le Matricule des Anges n°162 | par Thierry Cecille

Dans l’attente de son procès pour incitation au sabotage, Erri de Luca ne cède pas et riposte par un pamphlet roboratif.

La Parole contraire

Projetée dès 2001, la ligne de train à grande vitesse entre Lyon et Turin a été décidée par un accord entre la France et l’Italie en 2012 et devrait voir le jour vers 2028-2029. Depuis plus de dix ans, ce projet rencontre une opposition farouche, ses détracteurs le présentant comme une aberration écologique et économique. Le mouvement « No TAV » (pas de train à grande vitesse) s’emploie, par différents moyens de pression, à faire échouer ces travaux estimés à plus de 26 milliards d’euros. En septembre 2013, Erri De Luca, proche des activistes « No TAV », déclare, dans un entretien sur le site web italien du Huffington Post : « La TAV doit être sabotée (…). La TAV est une entreprise nuisible et inutile (…). Les négociations ont échoué : le sabotage est la seule alternative ». Aussitôt la société de construction Lyon-Turin ferroviaire, filiale de la SNCF, porte plainte. Le 24 février 2014, Erri de Luca reçoit notification de sa mise en examen : il est accusé d’avoir « incité publiquement à commettre un ou plusieurs délits ». Il risque, pour cette incitation au « sabotage », entre un et cinq ans de prison ferme.
Sans doute ses accusateurs n’ont-ils jamais ouvert un livre, lu une ligne d’Erri de Luca. Ils auraient sinon deviné que cette sommation, loin de l’effrayer, ne ferait que le conforter dans son combat. Lui qui s’est exilé pour échapper à la justice italienne des années de plomb, lui qui fut manœuvre sur des chantiers tout en créant une œuvre mondialement reconnue, lui qui apprit en solitaire, chaque matin à l’aube, l’hébreu pour pouvoir lire la Bible et le yiddish pour tenter d’entendre la voix des Juifs exterminés, nul doute qu‘il connaît le poids des mots et le sens de la responsabilité de l’écrivain. Une fois encore, donc, la plume est son arme et c’est par l’écriture qu’il s’explique. La Parole contraire est un pamphlet, et si l’on avait oublié ce que cette forme littéraire pouvait concentrer d’énergie, on se réjouit de voir que la situation, loin d’abattre l’écrivain, le ragaillardit plutôt et le force une fois encore à la plus grande précision. Se souvenant de ce que fut pour lui la lecture de l’Hommage à la Catalogne d’Orwell, il commence par affirmer vouloir être, par exemple pour les militants du mouvement « No TAV », « l’écrivain rencontré par hasard, qui a mêlé ses pages aux sentiments de justice naissants, formateurs du caractère d’un jeune citoyen  ». Puis il revendique cette volonté d’incitation (en saluant la figure de Pasolini, qui accumula les procès) : il désire « inciter à un sentiment de justice, qui existe déjà mais qui n’a pas encore trouvé les mots pour s’exprimer ». Non sans humour, il affirme ensuite que la phrase incriminée, « la TTAV va sabotata », « fait partie du droit de mauvais augure » et qu’il sera difficile d’établir, juridiquement, un lien entre son présage et les actes qui pourraient être commis. Enfin il définit ce qu’il appelle la « parole contraire » : celle qui s’oppose et que l’on bâillonne, et non celle « qui est obséquieuse » et donc « toujours libre ». Si sabotage il y a, celui-ci vient du pou-voir : « Je suis et je resterai, même en cas de condamnation, témoin de sabotage, c’est-à-dire : d’entrave, d’obstacle, d’empêchement de la liberté de parole contraire. »
Une nouvelle audience a eu lieu le 16 mars à Turin, le 22 mars Erri de Luca a fait une chute lors d’une escalade, sport qu’il pratique depuis des années, mais il est sorti de l’hôpital dans « une bonne condition générale ». Une pétition pour le soutenir recueille des milliers de signatures : soutienerrideluca.net

Thierry Cecille

La Parole contraire, d’Erri De Luca
Traduit de l’italien par Danièle Valin
Gallimard, 48 pages, 8

Un homme contre Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°162 , avril 2015.
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