Fondateur de la revue Lignes, écrivain et philosophe, Michel Surya explore la part d’ombre de Maurice Blanchot. Comment l’auteur de Thomas l’obscur est-il passé avant-guerre d’une collaboration avec la presse nationaliste, xénophobe et antisémite à, après-guerre, une œuvre qui a fait de lui une conscience morale intransigeante, et un compagnon de l’extrême gauche ? Si L’Autre Blanchot semble s’ouvrir sur un réquisitoire (le rétablissement des faits en réalité), la réflexion conduit à s’interroger sur la position de l’intellectuel face à la politique. Le livre, d’une écriture tendue et splendide, aiguise notre faculté de penser et, paradoxalement, donne aussi envie de lire ou relire Blanchot. Mais Bataille aussi, et Surya, tout autant.
Michel Surya, comment est né L’Autre Blanchot ?
La première idée de L’Autre Blanchot est née en 1988, quand je faisais des recherches pour écrire Georges Bataille, la mort à l’œuvre. Je cherchais à comprendre qui Bataille avait rencontré en rencontrant Blanchot, en 1940 ou 1941. Bataille, si peu connu qu’il ait alors été, était tout de même connu du monde intellectuel. Et ses amis comme ses ennemis l’étaient aussi. Blanchot, pas. Je n’ignorais pas bien sûr le peu qui avait été dit déjà de lui, quant à ses activités militantes d’extrême droite d’avant-guerre. Ce n’était pas assez cependant. Ce l’était d’autant moins que seule une toute petite partie de cette activité, pléthorique, était alors connue. Un interlocuteur m’a mis sur la voie des articles de Blanchot dans un hebdomadaire d’extrême droite, L’Insurgé. Je suis allé les lire à la Bibliothèque nationale. Et ce que j’ai lu là m’a proprement stupéfié. Il me fallait me rendre à l’évidence : c’est le Blanchot, qui ne m’éblouissait qu’à peine moins que Bataille (Bataille me bouleversait, quand Blanchot ne parvenait qu’à m’éblouir), c’est le même donc qui était l’auteur de ses textes qui soulèvent le cœur et de cette œuvre aussi, admirable. Quelle vie avait eu avant Blanchot, dont Bataille de toute évidence n’avait rien su, dont ne sauront rien très longtemps même les plus proches de ses amis d’après-guerre ? Je lui ai écrit pour lui en poser la question. Aucunement d’une façon qui aurait cherché à la juger. Pour comprendre. Blanchot n’a pas répondu à cette lettre, bien sûr, qui n’était sans doute pas faite selon lui pour qu’il y répondît. Dans la première édition de Georges Bataille, la mort à l’œuvre, j’ai reproduit quelques courts extraits de ces textes, et écrit, exactement, ce qu’on ne disait pas alors sans risque, que ceux-ci, outre qu’ils étaient « fascistes » (au sens au moins où Bataille s’efforçait de penser le fascisme « français »), étaient antisémites aussi.
Ce qui n’empêchera pas Blanchot de donner après à Lignes l’autorisation de re-publier, sous son nom même quand ceux-ci avaient paru sans nom d’auteur, tous ses textes politiques… d’après-guerre (contre de Gaulle, mai 68, etc.). Textes admirables selon moi ; auxquels du...
Entretiens Blanchot à jour
juillet 2015 | Le Matricule des Anges n°165
| par
Thierry Guichard
En interrogeant le parcours et les écrits nationalistes de Maurice Blanchot, Michel Surya réaffirme la suprématie de la littérature face à la politique.
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