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Domaine français Zones de veille

novembre 2015 | Le Matricule des Anges n°168 | par Chloé Brendlé

Maylis de Kerangal livre un court et vibrant texte sur Lampedusa – le drame, l’île, le nom. Un témoignage à voix basse.

Lampedusa. Plus encore qu’un nom commun, un nom propre sédimente l’imaginaire, l’expérience, les affects. Lampedusa. Lumière, méduse. Promesse et naufrage. C’est de ce nom qu’a choisi de partir Maylis de Kerangal pour déployer un espace qui paraît pourtant saturé. Comment rendre visible un lieu qu’on ne veut pas voir, ou qu’on ne sait plus voir ? « Je me dis parfois qu’écrire c’est instaurer un paysage. » À ce stade de la nuit est tout sauf un tombeau.
Une échappée dans le décor, d’abord : la narratrice qui entend « Lampedusa » à la radio une certaine nuit du 3 octobre 2013 pense en premier lieu à une image de cinéma, l’Italie transfigurée du Guépard, de Giuseppe Tomasi di Lampedusa et de Luchino Visconti. Et Burt Lancaster. Faire coïncider le prince déclinant et la figure d’un migrant ? Glisser de la cuisine du foyer à l’Europe inhospitalière ? La digression est le régime d’écriture de Kerangal. Se déplacer sans cesse pour ménager une place juste à son sujet, des migrants, morts. Et les autres aussi. Faire de la fragmentation brutale du réel un continuum narratif. Dans Réparer les vivants, elle relatait la migration fictive d’un cœur, d’un corps l’autre. C’est la mutation d’un lieu et de sa propre mémoire qu’elle tente de saisir ici, dans une approche à la fois rêveuse et documentaire. À ce stade de la nuit est un témoignage au second degré, un texte en mode mineur ; mais y a-t-il un mode mineur pour dire l’épouvante dans laquelle nous plonge notre temps ? Annie Ernaux a fait de ses observations « extimes » une forme à part entière, du Journal du dehors (1993) aux Années (2008). Laurent Mauvignier a mêlé témoignage et fiction dans Ce que j’appelle oubli (2011) pour soustraire à l’indifférence du fait divers une victime de vigiles. Après eux Kerangal exhausse à la première personne l’écriture comme geste, comme rêve d’intervention. Ses outils sont la métaphore et la syllepse : il s’agit de faire tenir ensemble le plus longtemps possible les deux plans, littéral et figuré. Lampedusa est ainsi un double point d’achoppement. Une île dans la Méditerranée, « comme un lieu dans un non-lieu, émergée caillou inaltérable contre l’espace liquide ». Le nom émergeant d’une langue étrangère : « Des voix italiennes, métalliques, saturées de sentiments, vibrent sous celles, plates, des interprètes. Elles enchâssent Lampedusa dans sa langue d’origine où je le repère facilement – il est étrange de voir à quel point le nom propre est indifférent à la phrase où il se place et roule entre les mots comme un caillou qui pourtant, propagerait sa poésie. »
Dans ce court texte d’abord paru aux éditions Guérin (2014), Maylis de Kerangal est parvenue à la fois à composer une sorte de prière laïque et à mettre en œuvre un art poétique. Comme les cercles concentriques d’une série de ricochets. Autour d’un même nom, autour d’un même complément de temps et d’espace. À ce stade de la nuit – dans nos têtes.
Chloé Brendlé

À CE STADE DE LA NUIT
DE MAYLIS DE KERANGAL
Verticales, 80 pages, 7,50

Zones de veille Par Chloé Brendlé
Le Matricule des Anges n°168 , novembre 2015.
LMDA papier n°168
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LMDA PDF n°168
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