Au cœur de l’immarcescible vie éditoriale, les maisons d’édition naissent comme les vagues, renouvelant sans cesse le flot des projets, la fraîcheur des idées, l’énergie et le sens apportés à cette singulière activité. Parmi les jeunes pousses du renouveau constaté depuis moins d’un lustre, on remarque assez vite les ouvrages des éditions Prairial, sertis dans des couvertures sobres mais frappantes, ne masquant rien de l’intention qui sous-tend le choix des textes qu’elles protègent. La maison s’est placée sous le signe du printemps avec une marque issue du calendrier révolutionnaire (1793-1805) imaginé par Fabre d’Églantine, le délicieux auteur d’« Il pleut, il pleut, bergère », une chanson de son opéra-comique Laure et Pétraque. C’est proclamer que l’on va faire éclore des ouvrages pleins de sève, et en l’occurrence relancer des ouvrages remarquables, et remarquablement négligés.
Nimbée de cette aura révolutionnaire, l’équipe de Prairial a choisi de porter ses efforts sur des ouvrages militants de la première moitié du XXe siècle. Contre la guerre en particulier, mais aussi dans l’esprit dada ou surréaliste contre la société bourgeoise. Après Lucien Laforge, Lucien Descaves et leurs cris contre la Grande Boucherie, Georges Darien, Robert Gilbert-Lecomte, René Crevel, deux nouveaux opus portent la bannière du combat : Les Couilles enragées de Benjamin Péret, fameux érotique rétabli dans son titre et illustré par Killofer qui réinterprète le « grand dessin/arbre généalogique » d’Yves Klein qui devait illustrer l’édition de 1954 chez Losfeld, et le récit de Jean Lépine (1896-1960), Hommes 40 – Chevaux 8 qui assortissait ses chapitres terribles d’une ânerie carabinée issue de la presse va-t-en-guerre en guise d’épigraphe. Rendu à l’esprit collectif, ce livre peut prendre sa place légitime à côté des grands témoignages humains du siècle dernier. Comme tous les titres du catalogue, il prouve que révolutionner la vie reste une ambition très estimable, un besoin vital.
Prairial, c’est quel projet pour quelle équipe ?
L’équipe Prairial est composée avant tout d’amis : on est cinq, et plusieurs d’entre nous se connaissent depuis le lycée. L’idée de créer une maison d’édition est venue progressivement, autour de notre passion commune pour les livres. On avait dans un premier temps pensé lancer une revue, mais devant le constat que certains livres qui nous paraissaient vitaux étaient très difficiles à trouver – que ce soit en librairie, sur le marché de l’occasion ou même en bibliothèque –, on en est arrivés à l’idée de les éditer nous-mêmes. Après, le montage de la maison elle-même a été très rapide, puisque l’entreprise a été créée en janvier 2014 et que notre premier livre, un recueil de poèmes de Roger Gilbert-Lecomte, a été imprimé en avril. Aucun de nous n’avait d’expérience de l’édition à ce stade. Il a fallu tout apprendre, et avec seulement deux ans d’existence, nous apprenons toujours.
Comment...
Éditeur Le printemps des oubliés
avril 2016 | Le Matricule des Anges n°172
| par
Éric Dussert
Sous le double signe de la Grande Guerre et de la révolte, Prairial s’est donné pour but de rendre aux lecteurs des livres essentiels d’auteurs qui crient fort.
Un éditeur