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En grande surface Parti trop vite

mai 2016 | Le Matricule des Anges n°173 | par Pierre Mondot

Si la soirée du Fouquet’s au soir du second tour de la présidentielle de 2007 donna l’inflexion idéologique du quinquennat à venir, l’apparition de Mireille Mathieu sur la scène de la Concorde en fixa la tonalité musicale. Deux mois après, les portes du Grévin restées ballantes, Michel Polnareff se produisait en concert au Champ de Mars pour y célébrer la fête nationale à l’invitation du chef de l’État (c’est bon les gars, vous pouvez rentrer, semblait être le message subliminal adressé aux exilés fiscaux).
Neuf ans plus tard – que cela passe vite neuf ans – on annonce pour ce printemps un nouveau retour du chanteur avec une tournée et un trente-trois tours.
Afin d’attiser l’impatience de ses fans envers lesquels il écrit se sentir « une responsabilité thérapeutique », Michel Polnareff propose son autobiographie.
L’ouvrage s’intitule Spèrme. On devine derrière cette audace la volonté du chanteur de rééditer la provocation qui fit sa gloire au mitan des années pompidoliennes, lorsqu’il s’afficha cul-nu sur les murs parisiens afin de promouvoir une série de concerts. Las, la formule ne fonctionne plus et la giclée du chanteur est restée jusqu’à présent inaperçue. Ce fiasco ne doit pas manquer d’interroger la star, qui se prévaut de compter dans son public « un noyau pur et dur de 200 000 personnes » (un peu moins selon la police).
Pour la frange la moins vive du lectorat, l’éditeur a pris soin d’imprimer en rouge les quatre lettres du mot « père » à l’intérieur du titre. Paternité, fécondité et calembours hâtifs constituent en effet le fil blanc du récit. La sauce pourtant ne prend pas. On résume : Michel grandit sous le joug d’un père tyrannique qui lui enseigne le piano à coups de trique. Michel apprend de sa compagne que son fils, « Louka de conscience », « l’enfant du miracle » provient d’un donneur anonyme.
Entre ces deux événements, le chanteur déroule le film de sa carrière sans offrir davantage de révélations que celles qui figurent déjà sur sa page Wipikédia.
Il revient ainsi sur l’escroquerie dont il fut victime. Sa stupeur, lorsqu’il découvre que son homme de confiance s’est volatilisé après avoir siphonné la totalité de ses comptes. « Je n’avais plus de quoi mettre de l’essence dans ma Rolls » confie-t-il dans un des passages les plus poignants du livre. Puis, tragique : « Le désert n’était plus en Afrique mais dans mon cœur ». Après quoi, heureusement, l’humour reprend ses droits : « J’aurais dû me méfier, il était d’Angers ! »
Amer, Michel nous explique comment les injustes réclamations du fisc (« J’ai toujours été un mâle honnête »), ajoutées à sa condamnation pour outrage aux mœurs, l’ont contraint à chercher fortune en Amérique : « J’étais le seul artiste français capable de la conquérir ». Avant de renoncer, comme le renard de la fable sous les raisins trop verts : « Je n’ai plus envie d’être connu aux USA. (…) Je ne voulais pas connaître à nouveau les affres de la célébrité ».
L’auteur de Y’a qu’un cheveu sur la tête à Mathieu affirme « être perçu comme un héros dans l’inconscient collectif ». Et à ce titre ne s’offusquerait pas que les partitions de ses mélodies, dont certaines furent « dictées par des forces supérieures », trouvassent place dans les musées. Pour souligner la vacuité de ces mélodies à succès et leur fin commerciale, Boris Vian inventa le mot tube. Les Allemands disent Ohrwurm, vers d’oreille. En plus de leur caractère contagieux et urticant, l’expression saisit assez bien la culpabilité avec laquelle on fredonne ces refrains. Être surpris éraillant Tout pour ma chérie avec une voix de tête ne provoque pas moins de gêne qu’être découvert avec les doigts dans le nez.
Dans les années 90, Michel Polnareff, victime d’« une double cataracte brune » manqua de connaître le destin de Tirésias, ce devin grec frappé de cécité pour avoir rendu compte de son androgynie. Malgré l’opération qui lui permit de recouvrer in extremis la vue, le chanteur peine encore à distinguer les ténias des papillons.
On apprend avec tristesse que la parution de l’album est finalement ajournée. La presse persifle : l’artiste serait en panne d’inspiration tandis que ses producteurs, inquiets de l’exhumation surprise de Renaud et jugeant le marché du disque encore trop fragile pour supporter deux cadavres, en auraient prudemment retardé la sortie.

Parti trop vite Par Pierre Mondot
Le Matricule des Anges n°173 , mai 2016.
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