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Théâtre Famille éclatée

juin 2016 | Le Matricule des Anges n°174 | par Patrick Gay Bellile

Débâcles en série dans un hôtel sans clientèle des bords de la Baltique, par Lars Norén.

La Nuit est mère du jour

La famille est le lieu privilégié des grandes haines et des grandes amours, des secrets terribles et des envies de meurtre. La promiscuité et le temps passant permettent de mûrir les rancœurs, les fantasmes et les déceptions. Jour après jour, les passions s’épaississent, prennent de la densité, de la profondeur, envoient leurs racines chercher loin de quoi se nourrir et grandir, et puis un jour, parfois, la marmite éclate, à propos de rien ou de pas grand-chose, la fameuse goutte d’eau excédentaire, et tout vole en éclat. Lars Norén semble en savoir quelque chose. Il a creusé le sujet dans ses pièces, surtout les premières. Et il est probable que l’environnement familial lui a fourni de la matière. Né en 1944 à Stockholm, il commence par la poésie et publie plusieurs recueils, tente le roman puis vient au théâtre en 1962. Auteur et metteur en scène, il avoue s’ennuyer lorsqu’il monte ses propres textes, et n’aime pas voir ses pièces jouées « parce que je pense souvent qu’elles ont mal été comprises. (…) Je suis d’accord si un metteur en scène crée une pièce et que je ne la voie pas. Là, c’est parfait !  ». Beaucoup d’éléments autobiographiques parsèment ses textes et La Nuit est mère du jour ne fait pas exception. C’est l’un de ses premiers succès.
Elle met en scène une famille, le père, la mère et deux grands garçons de 16 et 26 ans le jour de l’anniversaire du plus jeune. La scène se passe dans un hôtel des bords de la Baltique dont ils sont propriétaires. (Le père de Lars Norén était lui-même hôtelier restaurateur.) Les affaires vont mal, la faillite est proche, le père boit (celui de Lars Norén était alcoolique), la mère déprime et les enfants se déchirent et affrontent leurs parents sur fond de déchéance générale. David joue en cachette du saxophone de son frère et se rêve en star de cinéma, en musicien de génie ou en femme… Son homosexualité présumée irrite son frère, de même que son inactivité. Entre les deux, les rapports sont violents, mais ils partagent l’amour du jazz et se retrouvent pour faire ensemble de la musique. Les fantasmes des uns et des autres sont mis en scène, et même les pensées, les envies les plus cachées donnent lieu à des scènes oniriques, brèves et vite effacées.
Lars Norén a vécu quelques années en hôpital psychiatrique pour tenter de soigner une schizophrénie. Et ses personnages échappent difficilement à la folie. Le père ment effrontément au sujet de son alcoolisme. Même pris la main dans le sac il nie l’évidence, tandis que toute la famille est à la recherche de ses bouteilles, dissimulées dans les endroits les plus invraisemblables. Dans une poubelle ou un canard… Et la mère menace constamment de partir. Pourtant, l’ensemble, qui pourrait être un tant soit peu lourd et désespérant est souvent drôle. Norén le dit lui-même : « Pour moi, les pièces sont légères et dans un tempo rapide. Mais elles deviennent souvent plus solennelles que ce que je voulais qu’elles soient. » Les répliques s’enchaînent rapidement, les situations cocasses ne manquent pas, les répliques sont crues et violentes : « Ta gueule sinon je te coupe la bite et je l’enfonce comme un bouchon dans la bouteille », dit David à son père. Les conversations croisées font que chacun n’est jamais très sûr que c’est à lui que le propos s’adresse et le tout prend parfois des airs de comédie. Les nombreuses et importantes didascalies décrivent cinématographiquement certaines scènes, et nous rappellent que Lars Norén est aussi metteur en scène. Et la fin, digne d’une comédie musicale ou d’un album de Luky Luke, confirme les propos de l’auteur : David quitte finalement la maison en chantant et dansant Night and Day, « comme Fred Astaire, danse dans les escaliers, comme un orgasme, il danse comme s’il lui restait des forces pour toute une vie  ».
Patrick Gay-Bellile

LA NUIT EST MÈRE DU JOUR
de Lars Norén
Texte français établi par Christophe Perton d’après la traduction de C.G. Bjurström et L. Albertini,
L’Arche, 144 pages, 14

Famille éclatée Par Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°174 , juin 2016.
LMDA papier n°174
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