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juillet 2016 | Le Matricule des Anges n°175 | par Anthony Dufraisse

L’écrivain et éditeur Éric Hazan arpente de nouveau Paris, sa mémoire et son imaginaire. Avec érudition.

Une traversée de Paris

Pour traverser Paris, on peut prendre le métro, emprunter l’une ou l’autre de ses lignes souterraines. L’éditeur Éric Hazan, lui, préfère faire le trajet à pied, marcher le nez en l’air et la mémoire en éveil. Son itinéraire, qui prend sa source à Ivry et se termine à Saint-Denis, lui permet de regarder Paris comme un guide se piquant d’archéologie politique. Sous ses yeux la ville défile, elle se laisse lire, l’architecture témoignant d’un certain rapport au passé et au pouvoir, l’évolution de tel ou tel quartier laissant présager, peut-être, les contours d’un art de vivre renouvelé.
En écho bien sûr au titre du film d’Autant-Lara, avec les inoubliables Bourvil et Gabin, et en prolongement de son précédent ouvrage (L’Invention de Paris), ce livre voit donc un homme circuler dans une ville à laquelle il est profondément attaché (« Car « parisien » c’est bien ce que je me sens être, bien plus que français ou juif, costumes qui ne me vont pas du tout ») et arpenter ses souvenirs qui font signe au détour des boulevards, des squares ou des gares. Mais c’est aussi cheminement dans les écrits de ceux, Baudelaire, Breton, Balzac, Chateaubriand surtout, qui ont mis la capitale en mots, décor de roman ici, là source d’inspiration poétique. Au-delà de cette « famille de papier », beaucoup d’autres écrivains sont cités, invoqués, convoqués, de Jünger à Huysmans en passant par Léon Daudet, Nerval, Jean Rolin sans oublier Victor Hugo ou Walter Benjamin (auteur, rappelons-le, d’un livre fameux sur les passages parisiens). Avec la même aisance, signe d’une longue fréquentation des uns et des autres, Éric Hazan se déplace dans les livres comme il marche dans les rues, arrêté par un détail, une perspective ou alors une anecdote. La page et la pierre se superposent, se complètent, se contredisent, c’est selon. La statuaire, les places, les façades (« la noblesse des pierres »), l’agencement des rues, l’ordonnancement des commerces, les ambiances (la « fluctuation des goûts » : « tout se passe comme si chaque génération détestait le design et l’architecture où elle a passé sa jeunesse »), l’occupation des lieux par tel profil de population, tout lui est matière à réflexion personnelle ou historique. Tantôt flâneur qui s’attarde, tantôt passant pressé, l’allure du marcheur s’accorde au bâti, qui inspire ou fait fuir. Les hôpitaux, scènes de sa première vie de chirurgien, et les hauts lieux de l’imprimerie, de la librairie et de l’édition, écosystème de sa seconde vie, occupent une place toute particulière dans cette déambulation. Travail d’histoire urbaine et vagabondage littéraire, un peu comme le furent les ouvrages sur Paris d’un Jean-Paul Clébert, ce récit, faisant fond sur la mécanique proustienne, a quelque chose d’un palimpseste et d’une cartographie imaginaire.
De même que cette ville, Paris, est une accumulation de sédiments historiques, de même la vie d’Hazan est-elle un millefeuille de sensations au contact de la fiction qui guette à chaque coin de rue. Attentif à la verticalité de la cité (« percevoir la succession des strates »), Hazan regarde aussi son horizontalité, comment se dessinent les seuils, les transitions, les passages d’une aire à une autre, les sas entre quartiers. Cette question des limites, invisibles ou non, « les effets de frontières », « les empiétements, les avancées et reculs », court en pointillé, liée à la question identitaire. De fait, si l’aspect organisationnel, et notamment comment la main d’Haussmann a laissé son empreinte sur la ville, est un fil conducteur, la dimension sociologique, ici figée, là en recomposition, fait évidemment l’objet d’une vive attention chez Hazan, qui veut croire à un possible métissage, comme dans son cher Belleville, et à la vitalité (c)réactive d’un « prolétariat multicolore » jusqu’à présent pratiquement toujours repoussé aux marges, au-delà du périphérique.
Musée pour les uns, muse pour les autres, le Paris d’Éric Hazan vibre encore intensément ; c’est un patrimoine qui vaut patrie.
Anthony Dufraisse

Une traversée de Paris
d’Éric Hazan
Seuil, « Fiction & Cie », 194 pages, 18

Vis ta ville Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°175 , juillet 2016.
LMDA PDF n°175
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