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Poésie Écrire de mémoire

octobre 2016 | Le Matricule des Anges n°177 | par Emmanuelle Rodrigues

Une parution posthume, largement inédite, présente les écrits hongrois d’Agota Kristof qui renoue ici avec sa langue maternelle.

Dramaturge et romancière, Agota Kristof s’est fait connaître dès 1986 par La Trilogie des jumeaux, que son enfance passée en Hongrie, où elle est née, en 1935, à Csikvánd, lui a inspirée. En 1956, elle fuit son pays et gagne la Suisse. Dans L’Analphabète, son seul récit autobiographique, elle révèle que depuis ses plus jeunes années la poésie l’obsède : les phrases, écrit-elle, tournent autour d’elle, « chuchotent, prennent un rythme, des rimes, elles chantent, elles deviennent des poèmes ». Ainsi, recomposera-t-elle de mémoire ses poèmes hongrois, alors que définitivement installée à Neufchâtel où elle travaille dans une usine d’horlogerie, elle apprend le français, qui deviendra sa langue d’écriture.
Jusque-là disséminés dans des revues, ses poèmes recouvrent suffisamment d’importance aux yeux d’Agota Kristof pour que peu de temps avant sa mort, en 2011, elle confie à Marlyse Pietri, l’éditrice qui la reçut de sa main, la copie d’un manuscrit : l’écrivaine y a mis en bon ordre les poèmes hongrois, et quelques autres écrits en français. Comme Marlyse Pietri le précise dans sa note éditoriale, Clous réunit donc « les fragments d’une mémoire crucifiée, celle des poèmes hongrois perdus ». Désormais, la parution de cet ensemble poétique met un point d’orgue à une œuvre rythmée par le souci crucial de la langue. Ce n’est plus celle des débuts qui s’impose ici, car loin de tout accent lyrique, Agota Kristof fait entendre au cœur de son univers à la fois expressionniste et irréel, imprégné par le sentiment d’un exil irrémédiable, une tout autre musicalité, qui selon la traductrice, Maria Maïlat, apparaît « lorsqu’on lit les poèmes dans les deux langues », et ajoute-t-elle, « chaque poème libère une source d’air et de lumière ».
Les paysages et les lieux ici éclairés par Agota Kristof ne sont pas seulement ceux que la nostalgie de l’enfance fait revenir à la mémoire, mais ceux aussi dévidés par l’oubli et la mort. D’une portée allégorique, le temps n’est plus que l’étau qui enserre l’existence entre son commencement et sa fin. Avant tout rythmée par les saisons, la nature ici dépeinte se compose de tableaux aux tons contrastés, et sur fond de champs, montagnes, et forêts, où se côtoient hommes et animaux, elle est donnée à voir sous une apparente simplicité, une pauvreté foncière, telle celle de ces paysans qui fauchent leur champ, comme de tous temps les hommes voués au labeur de la terre. Mais à l’instar de l’Eden biblique, l’espace de vie comporte aussi sa part de confinement et, l’issue à la monotonie de cet enfermement auquel condamne un monde de solitude, d’attente, et de tristesse, appelle le désir de s’en échapper. Non exempt d’ironie par son titre, Aucune raison de changer de trottoir décrit ce déséquilibre propre à tout élan, pour peu qu’il libère l’imaginaire, mais le rêve ramène au réel et c’est sans doute là le tour de force de plus d’un des poèmes de Clous, que de faire entendre cette tonalité aussi sombre que lumineuse. De même, Les plus beaux paysages évoque « les jours qui tombent dans la caverne / du sombre mutisme » confrontés à cet « ici où les rivières ravinent les berges privées de parole  ». Ainsi, en va-t-il dans La corde est belle : « J’aime l’inutile / le silence le vide en moi / et la feuille pourrissant dans la boue est belle ».
Et si l’on comprend que c’est encore une fois par le langage que le monde se recrée, cette corde, tout de même, « berce des corps froids », et n’est-ce pas alors la hantise du néant qui résonne depuis le plus lointain silence ? Emmanuelle Rodrigues

Clous, d’Agota Kristof
Traduction des poèmes hongrois par Maria Maïlat, Zoé, 204 pages, 18,50

Écrire de mémoire Par Emmanuelle Rodrigues
Le Matricule des Anges n°177 , octobre 2016.
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