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Théâtre Les gens d’à côté

janvier 2018 | Le Matricule des Anges n°189 | par Patrick Gay Bellile

Quand l’extrême droite envahit les esprits, dans un petit village, quelque part en Europe.

 Le propos est limpide. Et l’histoire est servie par une écriture précise, rapide, efficace, chirurgicale même, tant le propos fait penser à l’évolution d’une maladie grave dont le pronostic ne peut être que la mort. Et le choix final proposé est sans ambiguïté : fuir ou mourir. La pièce de Christophe Tostain, qu’il a lui-même mise en scène, est plutôt noire, même si l’auteur est aussi capable d’humour et de poésie. Cinq parties, cinq actes pour disséquer la mainmise de l’extrême droite sur un petit village quelque part en Europe. N’importe où. Peut-être chez nous. Pour en comprendre les mécanismes et pointer les lâchetés successives, les intérêts particuliers, et les aveuglements qui aboutissent à l’horreur finale.
Madame le Maire se présente aux prochaines élections pour tenter d’obtenir de ses concitoyens la possibilité d’exercer un cinquième mandat successif. Elle fait son possible pour maintenir en vie le Petit Village, pour éviter la désertification. Mais elle a des soucis : de quelle couleur repeindre la salle des fêtes ? Fuchsia peut-être ? Et comment accueillir de nouveaux habitants pour permettre au Petit Village d’avoir accès à de nouvelles subventions, de nouvelles possibilités, un nouveau rayonnement ? Sa fille fréquente Boris, un jeune homme révolté qui vomit la société et tous ceux qui la composent : « Ils nous gavent de désespoir déguisé en belles promesses. Ils nous plastifient la cervelle avec des désirs factices. On grandit on marche on court avec et au bout du tunnel la lumière est éteinte. » Le cimetière est leur lieu de rencontre favori. Surtout quand il accueille un nouvel arrivant. C’est là qu’ils se sont embrassés la première fois. Tout semble calme et normal, et chaque chose est à sa place. L’institutrice veut emmener les enfants à Auschwitz, par devoir de mémoire, et demande une subvention à la mairie, la classe moyenne reste très moyenne, les parents sont en conflit avec leurs enfants, et le Petit Village va son chemin cahin-caha. Mais quelque part dans la Grande Ville toute proche, dans le Faubourg nord surnommé La Déchetterie, et plus précisément à l’auberge du Taureau Blanc, Zeus attend son heure. Zeus, c’est le surnom du chef d’un groupuscule fasciste, qui vise à la reconquête de l’Europe : « Nous agissons pour retrouver de la blancheur européenne dans le Faubourg, dans la Grande ville, dans tout le Pays, dans toute l’Europe.  » Zeus, Europe, le Taureau blanc, les références à la mythologie sont claires dans l’évocation de ces personnages. Comme si le combat qui va se dérouler dans le Petit Village était inscrit de toute éternité dans l’histoire humaine. Comme s’il était encore nécessaire de rappeler que la vigilance et la résistance ne doivent jamais se relâcher. Ce combat, c’est le retour de la bête immonde dirait Bertolt Brecht. Une bête secrétée par le corps social lui-même, par la peur et la détestation de l’autre, une bête qui surgit quand le père de Boris s’aperçoit que parmi les nouveaux arrivants du lotissement se trouvent des étrangers, « des cochons de pastèque et leurs espèces de femelles oublieuses de leur race ». Le Petit village va alors révéler son véritable visage.
Les titres donnés par l’auteur aux différentes parties de son texte sont éclairants : « symptômes », « diagnostics », « métastases », « phase terminale », « incinération ». Nous sommes bien en présence d’une tumeur, d’un dérèglement du corps social, d’une prolifération cellulaire qui finit par contaminer et par étouffer tout le monde, ceux qui adhèrent aux idées, ceux qui font semblant de ne pas voir les conséquences, ceux qui sont dépassés par les événements et ceux dont l’impuissance paralyse l’intelligence. L’écriture de Christophe Tostain suit le drame : elle passe de la chronique pittoresque d’un petit village à une démesure ubuesque où le village frappé de folie assiste à la mise à mort d’un étranger transformé en torche vivante. La langue raconte autant que les faits. Et nous voyons évoluer tout doucement les cinq personnages, chacun pris dans sa logique personnelle, tandis qu’un chœur antique apporte les précisions nécessaires, nous prend à témoin et achève le propos par un terrible constat : « Vieille Europe, les siècles ont crevé tes yeux. »

Patrick Gay-Bellile

L’Homme brûlé, de Christophe Tostain
Espaces 34, 144 pages, 16

Les gens d’à côté Par Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°189 , janvier 2018.
LMDA papier n°189
6,50 
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