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En grande surface Le mondial sera le genre humain

juillet 2018 | Le Matricule des Anges n°195 | par Pierre Mondot

À l’approche du cinquantenaire de Mai 68, les éditeurs défilent sous la yourte de Daniel Cohn-Bendit. On lui promet contre des mémoires une jolie somme, mais Dany est las. Quoi ? Conter à nouveau comment la grogne d’un monôme empêché d’accéder au dortoir des filles après vingt-deux heures déboucha en quelques semaines sur une paralysie générale du pays ? Fêter l’anniversaire de mai ? Il l’a déjà tant fait : « un an, deux ans, cinq ans, dix ans, vingt ans après… » Comme sur le moment, peut-on ajouter. Car nul besoin de posséder son CAP de situationniste pour estimer que la clameur de ce printemps-là tenait plus de l’écho que du cri. À peine éclos, le mouvement se commémorait lui-même. Chaque manifestation se doublait déjà de sa geste.
Dany reste un rebelle, mais laisser s’envoler l’oseille, ça l’endeuille un peu. Il rappelle Robert Laffont. D’accord pour le bouquin, mais à condition de présenter une « autobiographie détournée ». L’idée sera de narrer son existence à partir des rencontres de football dont il fut le témoin. Mais si. On l’intitule Sous les crampons la plage, et on fait pour la promotion d’un pavé deux coups, le jubilé de mai et la Coupe du monde de juin. Voilà. Mais c’est moi qui vous remercie monsieur Laffont, et je vous transmets mon RIB au plus vite.
Fidèle à ses principes (ne travaillez jamais) Daniel Cohn-Bendit écrit l’ouvrage en collaboration avec Patrick Lemoine, journaliste sportif. Dans un style assez médiocre, une fausse oralité, à peu près digne d’un off de Macron : « Il paraît qu’un Anglais avait misé 50 000 livres sur la victoire des Reds. Il doit encore nager dans les billets, le gars ! »
Le foot, nous explique l’auteur, constitue « avec l’amour et la politique » l’une de ses trois grandes passions. On devine ce qui unit ces trois prédilections : la possibilité du commentaire infini, le goût de la polémique et surtout, la pratique de la mauvaise foi. Dernier exemple en date, après la sortie précoce de l’équipe allemande dans le tournoi russe. Alors que Mélenchon se fend d’un tweet mesquin (« Joie pure : la Mannschaft est éliminée. Trop forts les Coréens. »), Cohn-Bendit fulmine : cette réaction est « ridicule » et prouve que le leader des insoumis n’a rien compris au foot. Une colère qui contredit les propos du livre, dans lequel l’ancien député vert revendique son « antigermanisme primaire » et avoue se déterminer « systématiquement contre les sportifs concourant pour la République fédérale ».
En revenant avec les auteurs sur un siècle de Coupes du monde, on réalise à quel point l’épreuve reste (avec le Tour de France cycliste et les Hunger Games) une des compétitions sportives les plus exécrables. Que l’on songe à ces mystérieuses ampoules retrouvées dans les vestiaires de la RFA après la finale de 1954 (et l’épidémie de jaunisse contractée par les joueurs quelques mois plus tard). Ou à ce match Argentine-Pérou de 1978 acheté par le général Videla en échange de prisonniers politiques. Pourtant, tous les quatre ans, une fièvre intacte saisit le supporter à l’approche du mois de juin. Dany l’explique : « Le foot, au fond, c’est de la gourmandise. On aime toute sa vie ce dont on s’est régalé enfant. » Pour l’amateur de ballon rond, le temps retrouvé l’emporte sur les illusions perdues.
Mais cette année, Cohn-Bendit se sent un peu frustré : interdit de séjour en Russie pour cause de lèse-Poutine lors d’une intervention au Parlement européen, il se trouve condamné à suivre le tournoi derrière un écran. Le cœur des mortels change parfois aussi vite que la forme des villes : l’« anarchiste allemand » (c’est du Marchais) est aujourd’hui docteur honoris causa de l’université de Nanterre, mais persona non grata au pays du cocktail Molotov.
« Une compétition n’est réussie que lorsqu’elle est gagnée » : c’est la maxime jupitérienne adressée par le chef de l’État aux Bleus à la veille de leur envol pour Moscou.
Il se trompe. Passé les liesses patriotiques, on oublie vite les prestations des champions du monde. Cohn-Bendit le rappelle : à l’exception du Brésil de 1970, la victoire revient toujours aux équipes les plus ternes, celles qui pratiquent – selon la classification de l’entraîneur argentin César Luis Menotti – un football de droite, « le catenaccio », par opposition au football de gauche « qui s’organise de telle manière qu’à la fin on a marqué plus de buts qu’on en a encaissés ». On se souvient davantage de la Hongrie de Puskás, des Pays-Bas de Cruyff, et de la France de Platini. Des revers, plus que des médailles. L’Histoire ne retient, pour éclairer sa frise, que les défaites sublimes et les révolutions manquées.

Le mondial sera le genre humain Par Pierre Mondot
Le Matricule des Anges n°195 , juillet 2018.
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