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Zoom Aux dépossédés

février 2020 | Le Matricule des Anges n°210 | par Martine Laval

Comme toujours écorché vif et débridé, il galvanise avec tendresse et humour l’autofiction. Et prend racine dans sa langue d’adoption.

Le Livre des départs

C’est l’histoire d’un mec qui s’appelle Velibor Čolić. Il pèse 107 kg et mesure 1,95 m – chiffres énoncés dès la troisième ligne de son nouveau roman. Il poursuit les présentations, nous confirme qu’il est polyglotte, sait écrire en deux langues, le français (c’est vrai) et le croate. Il est aussi réfugié politique et donne au déracinement de superbes phrases, syncopées, jazzy  : « Ma frontière, c’est la langue ; mon exil, c’est mon accent. J’habite mon accent en France depuis vingt-six ans.  » Nous ne sommes qu’à la sixième ligne et déjà pressentons le meilleur : de la fougue et de la douleur, de la rébellion et de la tendresse, de la mauvaise foi et de la drôlerie. Une centaine de pages plus loin, il a pris de l’âge, du poids, ou de la densité (il est à 115 kg) et confirme son talent de conteur, d’affabulateur, de menteur prodigieux : d’écrivain. Velibor Čolić a déserté la guerre et du coup son pays, la Bosnie, et fait de son exil une sorte d’autofiction désespérée et gaillarde.
Tout petit, Velibor voulait être footballeur ou poète. Maudit de préférence. Fumer, draguer, boire, être un ivrogne illuminé, un vagabond anarchiste et devenir hop-là au choix Hemingway ou Bukowski. Pas si simple, surtout quand une guerre vous oblige à faire le soldat. En France depuis 1992, le Čolić utilise le français et publie des livres qui racontent les atrocités de la guerre (Archanges) ou l’absurdité de l’ère communiste (Jésus et Tito). Avec son Manuel d’exil, sous-titré non sans malices « comment réussir son exil en trente-cinq leçons » (cf. Lmda N°174) et aujourd’hui son Livre des départs, tel un seigneur il empoigne le je, se met en scène et en charpie, raconte le dingue apprentissage de l’écriture, un corps à corps avec les mots, une bagarre sans fin avec ses démons : la solitude du survivant, autrement dit, la culpabilité du rescapé : « Nous sommes les gars qui ont survécu aux guerres. Nous savons rouler une cigarette avec une main. Nous savons aussi quelques trucs sur la vie et la mort. » Plus loin, il fanfaronne : « Il y a trois sortes d’hommes, les morts, les vivants et ceux qui vont sur les mers. » N’empêche, déprimé, suicidaire, alcoolo, parano, immature et cerise sur le gâteau asthmatique, Velibor Čolić croise néanmoins l’amour, les parades, les abandons. Lui qui sans honte affirme ignorer ce qu’est le féminisme (encore un autre pays, une autre langue ?) a pour les femmes rencontrées aimées évaporées des phrases d’une beauté imparable. De l’une d’entre elles, il dit : « Son corps se souvient. Je peux lire toutes les amours de passage, les avortements, les trahisons, les voyages, les loyers impayés.  »
Obstiné, Velibor Čolić recoud les morceaux de sa vie mais n’oublie jamais de rigoler. Il s’amuse comme un diable à se moquer du monde, de lui, de nous. « J’ai de la chance, annonce-t-il tout à trac. Je suis un étranger invisible. Je suis ventru et blanc. Sur mon visage rougeâtre on peut lire jambon, bière : je suis européen, un homme de chez nous. » Et vlan !

Martine Laval

Le Livre des départs, de Velibor Čolić,
Gallimard, 182 p., 19

Aux dépossédés Par Martine Laval
Le Matricule des Anges n°210 , février 2020.
LMDA papier n°210
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