Réunis en décembre 2009 à la Bibliothèque nationale du Pérou, à Lima, à l’occasion d’une rencontre intitulée « Roman, culture et société », Claudio Magris et Mario Vargas Llosa s’interrogent ici sur l’art du roman et ce qu’il en est, aujourd’hui, de ses tâches et de ses pouvoirs dans les sociétés qui sont les nôtres. Si conversation il y eut, ainsi que l’indique le sous-titre, celle-ci ne fut sans doute pas improvisée, à bâtons rompus, et l’on a plutôt l’impression qu’ils lurent, l’un après l’autre, des textes préparés et écrits. Et de fait les interventions de Claudio Magris l’emportent sur celles de Mario Vargas Llosa, assez convenues… Magris, lui, distingue tout d’abord, avec clarté, l’écriture des essais ou des écrits d’intervention avec l’écriture romanesque, où il faut jouer « avec des cartes telles qu’elles se présentent dans le vrai jeu de la vie, éparses, mais selon un ordre qui leur est propre et que l’on peut trouver grotesque ou absurde mais qui n’en est pas moins un ordre caché, que le romancier authentique trouve et recueille ». Tout roman est une odyssée, posant « la grande question de savoir si on traverse la vie en devenant de plus en plus soi-même (…) ou bien si on se perd, si on se dénature ». Il établit par ailleurs un diagnostic sur la crise du politique : nous délaisserions les « valeurs froides » de la démocratie pour les « valeurs chaudes » que les populismes promettent mensongèrement. Enfin, se penchant sur certains écrivains politiquement infâmes – Céline, Pirandello – il émet un jugement puis un souhait, tous deux fort justes : « Je crois que ces grands écrivains ont été aveuglés par la violence de la vie et qu’ils en ont souffert, mais qu’ils y ont réagi de façon désastreuse. Voilà pourquoi nous devons combattre les épouvantables erreurs de ces écrivains et continuer, en même temps, à les respecter, à les aimer et à apprendre d’eux ».
Thierry Cecille
La Littérature est ma vengeance
Claudio Magris et Mario Vargas Llosa
Traduit de l’italien par Jean et Marie-Noëlle Pastureau,
de l’espagnol par Albert Bensoussan et Daniel Lefort
Gallimard – Arcades, 96 pages, 12 €
Essais La Littérature est ma vengeance
février 2021 | Le Matricule des Anges n°220
| par
Thierry Cecille
Un livre
La Littérature est ma vengeance
Par
Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°220
, février 2021.