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Poches Avanies à la Villa

janvier 2022 | Le Matricule des Anges n°229 | par Thierry Cecille

Hector Lenoir, pensionnaire à l’Académie espagnole à Rome, raconte ses rocambolesque tribulations : réédition d’un détonnant récit d’Hervé Guibert.

Hervé Guibert

Articles 1980-1995
Editions Gallimard

J’étais venu écrire l’histoire de ma vie. Je tombais de haut : des murs avec des taches jaunes d’infiltration, le frigidaire qui puait, une misérable armoire en contre-plaqué qui ne fermait plus, une chaise défoncée avec le rotin arraché, du sous-Ikea exténué sur lequel auraient craché les chiffonniers d’Emmaüs » – voilà pour la chambre. Les autres pensionnaires, découverts peu à peu, se révèlent être des dépressifs chroniques ou des génies autoproclamés, guère mieux lotis, certains logeant sur « la passerelle », en proie aux vents et au vertige, d’autres dans des studios encore plus déprimants surnommés Sarcelles. Tous tentent alors d’obtenir quelques améliorations, en faisant jouer les rivalités assassines entre le secrétaire général et son adjoint, allant parfois jusqu’à avoir recours aux pontes semblables à des dieux de l’Olympe, là-haut à Paris, au ministère. C’est que cette Académie espagnole ressemble fort à la Villa Médicis et le narrateur, Hector Lenoir, est l’hétéronyme sardonique d’Hervé Guibert, qui y vécut de 1987 à 1989 (et fit paraître ce roman aussitôt après).
Il a pourtant, au départ, dansé de joie – ce qu’il fait toujours « pour des motifs professionnels » – et considéré l’Académie « comme un asile, un sas de disparition ». Mais il doit vite déchanter et ne cesse de comparer la situation qui est la leur avec celle de jadis : « Autrefois, ici, on était les rois, les prix de Rome (…) on quittait Paris à l’automne, aux premiers mauvais jours, avec nos malles, nos bottes, nos carnets de croquis, nos chapeaux, nos gilets, nos compas, nos goussets, nos fourrures, nos atlas, en calèche on courait vers le sud ». Qu’en est-il aujourd’hui ? « Les dix anciens accueillent les cinq nouveaux, c’est l’occasion de toutes sortes de bizutage. On nous fait boire de l’encre de Chine, on a truffé nos oreillers de poulpes humides, on nous a installé des chambres factices dans les souterrains ». Difficile, dans de telles conditions, de parvenir à créer – et notre narrateur préfère même, à plusieurs reprises, fuir sur l’île d’Elbe où le rejoint parfois un amant inquiet. C’est que Rome même ne propose guère d’échappatoire et que la vie sexuelle est réduite – il faudrait citer tous les articles fascisto-burlesques du règlement intérieur. Seule une sorte de boîte de nuit installée dans une cave – « il n’est écrit nulle part que L’Incognito s’appelle L’Incognito » – offre quelques occasions de rencontres, des corps affriolants et des coïts monnayés.
Sans doute ce roman cynique, satire enlevée des rites et tics d’un certain milieu artistique, surprendra-t-il les lecteurs qui avaient gardé le souvenir du dernier Guibert, celui que le sida emporta il y a tout juste trente ans, en 1991. Il avait courageusement et désespérément décrit, presque jour après jour, la progression inéluctable de sa maladie dans ses deniers livres (A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie, Le Protocole compassionnel…) comme dans son film La Pudeur ou l’Impudeur. Sans doute avait-il rencontré ainsi une audience plus grande, entre le scandale, l’apitoiement et la malédiction Mais il était déjà, avant que le sida ne se déclare et prenne la première place, l’auteur d’une œuvre importante et diverse, partagée, selon une logique mystérieuse, entre Minuit et Gallimard. C’est une introduction subjective et juste à la fois à cette œuvre que nous offre Raymond Bellour : écrits de 1980 à 1995 pour Le Magazine littéraire, les articles ici rassemblés témoignent de l’attention fidèle qu’il lui prodigua, « chaque fois plus émerveillé par la constance de variations sans fin ». Raymond Bellour relève en effet et explicite aussi bien les leitmotivs, thèmes et obsessions, que les choix narratifs ou formels de l’écrivain. Il pointe, par exemple, le « lacis indécidable » que construit l’extraordinaire Mes parents ou « l’érotisme étrangement polymorphe » de Des aveugles. Il nous engage à nous plonger – il y faut de l’attention, des efforts – dans une œuvre en « déséquilibre permanent », Hervé Guibert ayant cru, sa vie durant, « à une liberté hantée ».

Thierry Cecille

L’Incognito
Hervé Guibert
L’imaginaire, 262 pages, 9,50

Hervé Guibert,
Raymond Bellour
L’arbalète, 95 pages, 12

Avanies à la Villa Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°229 , janvier 2022.
LMDA papier n°229
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