Un livre

Le Dragon de Lune

de Vladimir Tan Bogoraz

Editions Callidor

Révolutionnaire natif d’Ovroutch, ville du nord-ouest de l’Ukraine, Vladimir Bogoraz (1865-1936) fut exilé à maintes reprises en terre sibérienne par la police politique du tsar de toutes les Russies. Il en conçut un intérêt manifeste pour les ethnies qu’il rencontrait au fil de ses relégations répétées. Devenu le précurseur de l’anthropologie russe à force d’observations et de synthèses, il reste une source formidable pour la connaissance des Eskimos des régions subpolaires, des Tchouktches, etc. Il fut aussi, ce que l’on sait moins, poète et prosateur. La première traduction de l’un de ses récits, « La conquête de l’univers » figure dans Dimension Russie impériale, une anthologie de SF russe de 2020 (Black Coat Press). Les mêmes traducteurs proposent désormais l’un de ses romans les plus importants, Le Dragon de lune (1909), tout à la fois préhistorique et plein de fantasy.
Inspiré par le conte largement répandu de la jeune fille vierge offerte au dragon, présent sous une forme ou une autre dans de nombreuses cultures, ce roman couvre un épisode de la tumultueuse vie des Anakis, une ethnie qui vit de la chasse dans des contrées au climat contrasté. Taraudés par la faim une partie de l’année, ils sont religieusement soumis aux astres, car « au-dessus de ce toit obscur, le ciel était dégagé et la soleil vive brûlait ». La soleil, sœur de la lune, divinités inaccessibles qui conditionnent toute vie dans l’espace perceptible, assujetti qui plus est, et c’est la part fantasy du livre, à un formidable saurien tapi dans sa grotte. Ce dernier n’exige formellement rien mais la superstition nouée par les manipulations de quelques sorciers fait de lui un consommateur de jeunes vierges… Entre scènes de chasse magnifiques où rivalisent d’adresse ces fils des âges farouches et rivalités entre maîtres du groupe et jeunes rebelles, Bogoraz pose une belle bûche dans La Guerre du feu de Rosny, daté de 1909 lui aussi…

Éric Dussert

Le Dragon de lune,
Vladimir Bogoraz
Traduit du russe par Viktoriya et Patrice Lajoye,
Callidor, 300 pages, 20 €