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Poésie L’intervalle de toutes les épiphanies

juillet 2022 | Le Matricule des Anges n°235 | par Flora Moricet

L’écriture de la brièveté infiniment gracieuse de Christophe Manon où le provisoire se réconcilie avec la joie.

Sur l’horizon de la finitude, le nouveau recueil de Christophe Manon abrège les passions tristes et s’empare d’un vivant flamboyant. En quelques mots, les poèmes conjurent le désespoir d’un « temps qui file/ à très grande vitesse mais jamais ne revient » pour ne retenir que ce que ces fulgurances permettent : un état de grâce. Souvent fougueuse et toujours d’une grande précision, la langue de Provisoires crépite et fait de la lumière sur les grandes joies fragiles et éclatantes. Les yeux écarquillés, entre effroi et désir de voir intensément, le poète de 51 ans, déjà auteur d’une vingtaine de livres de poésie, ne cède rien ou presque à l’obscurité, « scrutant les signes de la nuit il cherche/ la lumière dans la lumière »
Présentée d’emblée comme « un puissant stupéfiant », la langue aurait le don de « relancer le corps » comme «  un sommeil très ancien/ qui vient ». Seule capable de donner un nouveau souffle à « cette part inflammable de soi ». Soutenu par des images et des sensations implacables, Provisoires renoue avec des souvenirs d’adolescence, âge des transitions et des premières fois : « le cœur l’étable où tomber tombe et le sang/ frappe le soleil frappe le destin c’était/ un papillon dans la bouche un grand/ silence si grand peut-être/ était-ce du désir ». Combustibles, les poèmes rejouent le désir dans le désordre d’une chevelure et le plaisir d’une caresse renouvelée : « la peau n’est pas la peau la peau/ est un frisson ». Et parfois une adresse apaise : « j’écris j’ai peur je n’ai pas peur/ j’écris je t’embrasse (moi aussi) (…) ».
C’est sans doute à force de reformuler notre condition dérisoire, « désormais meurs c’est mourir encore », « nous ne faisons/ qu’entrer/ et sortir », que l’auteur de Testament échappe au vertige du tragique préférant se situer dans un temps infiniment présent. Sans apitoiement ni désolation, s’ouvre dans cet intervalle précieux une « succession d’épiphanies », « et cette brièveté/ c’est une grâce qui peut-être/ malgré l’ampleur d’intimes catastrophes/ nous comble d’une joie friable »
Les vers libres de Manon ont parfois la densité d’alexandrins tant la pensée y fait le tour des contradictions avant de retomber impeccablement. Leur façon d’habiter l’ambivalence rappelle la prose plus ample du regretté Mathieu Riboulet, dont elle se rapproche aussi par la sensualité, un art de la jouissance sans effusion. Même si le désir « s’effondre en soupir », le plaisir reste inépuisable tant qu’il s’écrit, par ce sommeil très ancien que même la mort n’interrompt pas, « car rien/ n’est en mesure désormais/ d’étouffer la petite flamme/ qui scintille encore quelque part/ dans les tréfonds même »
À la précarité de nos existences et à la vulnérabilité de nos souvenirs, Manon oppose les fictions qui seules résistent à l’oubli. Celles qu’il cernait déjà dans son roman Pâture de vent (Verdier, 2015), invoquant, par de splendides blocs de prose, les pouvoirs de l’écriture : « c’est à la fois une célébration et une révolte contre l’oubli, c’est une chose vivante que la mort n’a pas encore figée et qui permet de témoigner de l’intensité des événements, de la beauté des êtres et de la vie »
Il y a dans la poésie de Christophe Manon un apprivoisement qui agit comme une formule magique, semblable à celles que nous apprenons en rêve.

Flora Moricet

Provisoires
Christophe Manon
Nous, 96 pages, 14

L’intervalle de toutes les épiphanies Par Flora Moricet
Le Matricule des Anges n°235 , juillet 2022.
LMDA papier n°235
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