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Essais Arachnoland

septembre 2022 | Le Matricule des Anges n°236 | par Jérôme Delclos

Le traité sur la tarentule de Giorgio Baglivi (1668-1707), mi-médecin, mi-anthropologue, insatiable curieux.

Anatomie, morsure et effets de la tarentule

On le sait aujourd’hui : la mor-sure de la tarentule, qui tire son nom de la ville de Tarente au sud de l’Italie, n’occasionne à l’homme rien de très grave. Beaucoup d’encre a pourtant coulé concernant la bestiole, les effets de son venin et leur traitement – la danse – pratiqué dans les Pouilles par les « tarentulés ». C’est le sujet d’enquête de Giorgio Baglivi, dont Jérôme Millon livre une riche édition critique et bilingue de son De anatome, morsu et effectibus tarantulae (1698).
Baglivi, professeur de médecine à l’université de Rome mais originaire de « Lecce, en Pouille », va étudier l’anatomie, l’habitat, le mode de reproduction de la fameuse araignée. Il inaugure, contre les savants de son temps qui accordent foi à de lointains récits de voyages, une « médecine indigène ». Les Pouilles, c’est avant tout pour lui la canicule. « Toujours à cause de la proximité de l’Orient, la Pouille est brûlée par les ardeurs enflammées du soleil et ses habitants sont contraints de respirer un air qui semble s’échapper d’une fournaise. » Les tarentules, invisibles en hiver, ne sévissent qu’en été. À ce tempérament solaire de l’insecte correspond celui sec et tout en nerfs des hommes et des femmes : « ils sont maigres, impatients, irritables, ils dorment peu et sont dotés d’une intelligence extrêmement fine, ils parlent vite et agissent encore plus promptement ». Las ! Ces vifs autochtones sont victimes, durant les grosses chaleurs, des féroces petites bêtes « (…) car durant cette période leur venin est exalté par les rayons ardents du soleil : poussées à la rage, elles attaquent quiconque se trouve sur leur chemin ».
Quiconque ? Ce sont surtout « les jeunes filles et les femmes » qui sont mordues. Ou qui simulent de l’être, se donnant ainsi toute licence de s’exhiber « libérées des brides de la pudeur » : elles « poussent de violents soupirs, hurlent, font des mouvements inconvenants, montrent leurs parties obscènes, affectionnent les mouvements suspendus, etc. » Hystérie, « délire frénétique », folie, diagnostique Baglivi mais pour aussitôt en préciser les causes : la triste condition des femmes, la misère de leur vie conjugale, l’interdiction où on les tient de nouer conversation, « même honnête », avec les hommes. Sans parler de danser. « Elles font alors semblant d’être tarentulées, afin de profiter de l’opportunité de la musique offerte aux seuls tarentulés. » À quoi il faut tout de même ajouter « l’air brûlant, le tempérament très ardent des femmes, la nourriture chaude et particulièrement nourrissante, la vie oisive, etc. ». Pour autant, le subterfuge féminin ne fait pas douter le chercheur de la réalité des « symptômes multiples et presque incroyables » qu’il observe et recense. Pour nous qui le lisons aujourd’hui, le chapitre IX semble avoir été forgé de toutes pièces par Jorge Luis Borges. « Plusieurs couleurs leur font plaisir, en particulier le rouge, le vert, le bleu foncé, etc., mais rarement le noir (…). Certains se roulent dans la boue comme des cochons (…), d’autres aspirent à être battus à coups de fouet sur les fesses, les talons, les pieds.  » Comme l’écrivain argentin, il en est qui sont obsédés par les miroirs, « et soupirent très fortement en y regardant leur propre image ». D’autres encore « convoitent des robes rouges et manient des épées nues à la main  ».
La partie sur la danse et la musique est passionnante. « Et parce que cette danse plaît avant tout aux femmes, dans notre pays circule l’expression de « petit carnaval des femmes ». » Esprit résolument rationaliste, Baglivi compare cette thérapie populaire à la sienne propre par l’équitation : les mouvements permettent au corps d’évacuer le mal. Mais comment expliquer le pouvoir de la musique ? Par vibration, percussion, « mouvements, ou ondulations » de l’air, en particulier si retentit ce « son très rapide, (…) appelé « tarentelle » par les Italiens ».
On referme le livre, la tête pleine d’images. La laitance de l’huître, un chien qui hurle au son de la guitare, le phénomène de la chair de poule, un scorpion qui se cache dans un melon, les vertus médicinales du vin de romarin, etc. Une curiosité ? Si l’on tient à classer. Ça se lit comme du roman. On en redemande.

Jérôme Delclos

Anatomie, morsures et effets de la tarentule
Giorgio Baglivi
Édition critique et notes de Concetta Pennuto
Traduit du latin par Estela Bonnafoux
Jérôme Millon, 255 p., 22

Arachnoland Par Jérôme Delclos
Le Matricule des Anges n°236 , septembre 2022.
LMDA PDF n°236
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