Mia Couto est né en 1955 au Mozambique, au sud-est de l’Afrique, sur les côtes de l’océan Indien : il a 20 ans quand le pays proclame son indépendance, en 1975, mettant fin à l’oppression coloniale. La présence portugaise, ancienne – les premiers comptoirs ont été établis dès le milieu du XVe siècle – ne s’efface pas complètement, toutefois. La langue portugaise, langue officielle du Mozambique, est celle dans laquelle écrit Mia Couto. C’est la langue de son père ; celle, également, des romanciers et poètes brésiliens qui ont, parmi d’autres, marqué son enfance.
Dans l’œuvre de cet immense écrivain, blanc et africain, dont près d’une vingtaine de livres ont été publiés en français, l’histoire et ses traces (ou leur absence, leur oubli, leur effacement) sont un axe majeur. Dernier roman traduit, Le Cartographe des absences ne fait pas exception. Plongée en miroir dans l’enfance du narrateur/auteur et dans le passé de sa ville natale, Beira, sur laquelle pèse la menace d’un terrible cyclone, ce livre-puzzle rend hommage à la figure du père, rêveur hérétique, poète et partisan déclaré de l’indépendance, comme le fut… le père de l’auteur. Fiction et réel se tiennent ici la main : un cyclone, le cyclone Idai, a bel et bien balayé la ville de Beira en 2019 – et il va le faire, c’est sûr, c’est annoncé, dès qu’on aura tourné la dernière page du livre ; le massacre commis par les troupes portugaises, en 1973, évoqué dans le cours du récit, n’est pas, non plus, tombé du ciel. « Ce roman est inspiré de personnes et d’épisodes réels. En d’autres termes : dans ce livre, ni les gens, ni les dates, ni les lieux n’ont d’autre prétention que d’être de la fiction », prévient Mia Couto dans une note en exergue. Le Cartographe des absences est un moment de vie, suspendu au bord du vide, tenu à bout de bras, par la magie du verbe, au-dessus du gouffre et de l’inéluctable fin. Il y a du thriller et du conte, dans ce beau texte aux allures d’élégie.
Le Mozambique, que plus d’une guerre a ravagé et transformé, coule dans les veines de Mia Couto, avec son cortège de fantômes, de criminels incrédules, de femmes révoltées, d’enfants qui cherchent leur enfance, de flics aux ordres, de résistants. C’est un Mozambique universel, une Afrique moderne et tourmentée, le monde d’aujourd’hui, en somme, que Couto met en scène depuis presque trente ans, livre après livre, enquête après enquête, de La Véranda du frangipanier aux Sables de l’empereur, de L’Accordeur de silences à La Confession de la lionne.
Engagé, dans les années 1970, aux côtés du mouvement de libération nationale Frelimo, alors qu’il a entamé des études de médecine et de biologie, Mia Couto sera hanté, au lendemain de l’indépendance, par la guerre civile qui va ensanglanter son pays, seize années durant. Devenu journaliste, puis écrivain, il travaille aujourd’hui comme biologiste, spécialiste des zones côtières et enseigne l’écologie à l’université de Maputo.
L’interview qu’il...
Entretiens Les fantômes de Mia Couto
septembre 2022 | Le Matricule des Anges n°236
| par
Catherine Simon
Retournant sur les chemins de son enfance, l’écrivain mozambicain raconte en écho les luttes de l’indépendance de l’ancienne colonie portugaise.
Un livre