800 pages, 315 lettres. Le titre français Le Métier d’écrire – hommage au Métier de vivre de Pavese – signale une correspondance d’écrivain, et ce à plus d’un titre. D’une part, elle déroule sa carrière du début à la fin. Les premiers projets nous sont une révélation jusque dans les dessins d’Italo dans les marges. Ainsi de la lettre à l’écrivain Silvio Micheli du 23/4/47 qui montre un cortège où l’on voit en tête Hemingway sur un taureau, Vittorini sur un éléphant, et Calvino, sourcils froncés, qui les suit sur… une araignée, celle du Sentier des nids de la même bestiole.
D’autre part, Calvino se confie sur ses livres, répond aux critiques. Et à ses traducteurs ; comme il l’est lui aussi, il en parle, échange avec des confrères, le 14/4/1965 avec Franco Quadri qui lui a fait lire sa traduction de Sally Mara de Queneau. « Emplois de l’argot, qu’en italien on traduit toujours mal, mais c’est là une difficulté de tout livre de Queneau, pas de celui-ci en particulier. En général je dirais qu’il faut garder la main légère, réserver les solutions folkloriques aux cas les plus significatifs. (par exemple, lorsqu’il dit M’sieur, il n’est pas besoin de tenter un improbable Siore [au lieu de Signore]). »
Enfin, on découvre un tempérament, son style affectueux dans les lettres très belles à Elsa Morante, glacial avec Magris qui associe « l’avortement avec une idée d’hédonisme ou de vie joyeuse » : « C’est avec un grand déplaisir que je lis ton article ». Avec Pasolini, ils n’en sont plus à se froisser, ils aiment trop ferrailler.
Pour qui goûte le genre du journal, l’étudiant Calvino a de ces détails qui rendent le banal plaisant. Datée du 22/1/1942 et adressée à son père, une missive hivernale : « Mes très chers, ici il fait froid, il ne neige plus, mais dans l’ensemble tout va bien. Ma toux est complètement passée et j’ai juste encore un peu de catarrhe. À la pension on mange bien. On s’est arrangés de manière convenable avec la patronne pour ce qui est du paiement et du reste. La pension est grande et chacun mange dans sa chambre. Nous, ceux de l’ancienne pension, nous mangeons tous ensemble. On mange beaucoup de bon riz parce qu’à la pension il y a plusieurs étudiants de Vercelli ». Évidemment dans la suite, il réclame de l’argent. Un an plus tard à la même saison, il blague comme toujours avec Scalfari, le prie de complimenter sa nouvelle copine « pour ses seins ». Il tient le titre d’une comédie, « DIEU ET L’UNIVERS », rien que ça.
Les lettres à son cercle intellectuel sont riches en surprises. Le 8/12/1954, à Alberto Carroci : « Je joins à ces lignes le texte d’un maître d’école élémentaire de Racalmuto (Agrigente) qui me semble très impressionnant et qui peut intéresser Nuovi argomenti ». On aura reconnu dans ce débutant Leonardo Sciascia, et c’est Calvino qui le révèle. Le 29/9/1965, il décline la proposition d’Antonioni d’écrire le scénario de Blow Up : il est sur Cosmicomics, n’a pas le temps. Deux longues...
Dossier
Italo Calvino
Une vie en toutes lettres
novembre 2023 | Le Matricule des Anges n°248
| par
Jérôme Delclos
En l’absence d’une grande biographie de Calvino, sa correspondance y supplée. Une mine.
Un auteur
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