RUBRIQUE Entretiens
Les articles
Le vilain rêve
De l’utilité de lire Le Grand Sommeil dans la retraduction de Benoît Tadié, qui rend au premier roman de Chandler sa singularité triste et toujours frémissante.
Évidemment, on se souvient de l’adaptation d’Howard Hawks : clair-obscur au cordeau, récit au galop, érotisme incisif des dialogues Bogart/Bacall. Sauf que leur couple ne s’est jamais formé chez Raymond Chandler (où le détective Philip Marlowe repoussait toute manipulation des dames) ; que l’histoire y était beaucoup plus composite (Chandler ayant fondu l’intrigue de deux nouvelles antérieures, et se fichant assez d’une vraisemblance que le style seul se chargeait d’assurer) ; que la couleur d’ensemble du roman tirait, plutôt que vers le noir et blanc classieux consacré par la tradition,...
Un auteur
Les copains d’abord
François Vignes consacre un roman au poète André Laude disparu en 1995. Contre la solitude engendrée par une société malade, Les Compagnons du Verre à soif préconisent le recours au vin et à la fraternité.
Corresponsable des éditions Table rase avec Jean-Pierre Biatarana, écrivain intermittent, François Vignes ne se dévoile pas aisément. Il est né en 1948 à Bordeaux mais préfère garder pour lui le parcours qui l’a amené jusqu’aux Compagnons du Verre à soif. Hommage amical et signal de détresse, il s’agit d’un roman à clefs dont certaines masquent à peine André Laude -page 207 figure même un...
Un livre
Le Mystère des trois frontières
de
Eric Faye
Failles fantastiques
Éric Faye traque le merveilleux pour se libérer de l’emprise du réel. Un travail le long des frontières, avec la folie et la raison pour sentinelles.
Une profonde inspiration puis un moment de silence : avant de répondre, Eric Faye, âgé de trente-cinq ans et vivant à Paris, prend du temps, signe qu’il doit vraiment fouiller en lui-même pour formuler une pensée plausible. Auteur de sept ouvrages, (dont le récent Je suis le gardien du phare paru chez José Corti), Eric Faye a su créer un univers littéraire autant personnel que subtilement...
Un auteur
La langue pour s’approprier le territoire
Avec ses deux nouveaux ouvrages François Bon gratte le langage là où ça fait mal. Pour rester en contact avec la ville, l’écrivain abandonne le personnage au profit des voix.
Sorti d’usine pour entrer en littérature en 1982, François Bon (cf. lmda N°3) faisait partie de ces écrivains dont le nom se murmure pendant une dizaine d’années par des lecteurs toujours à la recherche d’une autre parole. En 1994, avec Un fait divers (Minuit), le murmure s’amplifiait et l’écrivain touchait un plus large public. Deux villes et un meurtre délimitaient ce roman fort, où, déjà,...
Un auteur
La folle littérature d’António Lobo Antunes
On ne connaissait de sa première trilogie qu’un titre, Le Cul de Judas qui évoquait la guerre d’Angola. Parution pour la première fois en français des deux autres volets où la folie apparaît comme la meilleure Connaissance de l’enfer.
En 1973 j’étais revenu de la guerre et je savais ce que c’était que les blessés, le glapissement des gémissements sur la piste, les explosions, les tirs, les mines, les ventres écartelés par l’explosion des mines, je savais ce que c’était que les prisonniers et les bébés assassinés, je savais ce que c’était que le sang répandu et la nostalgie, mais on m’avait épargné la connaissance de...