RUBRIQUE Entretiens
Les articles
Le vilain rêve
De l’utilité de lire Le Grand Sommeil dans la retraduction de Benoît Tadié, qui rend au premier roman de Chandler sa singularité triste et toujours frémissante.
Évidemment, on se souvient de l’adaptation d’Howard Hawks : clair-obscur au cordeau, récit au galop, érotisme incisif des dialogues Bogart/Bacall. Sauf que leur couple ne s’est jamais formé chez Raymond Chandler (où le détective Philip Marlowe repoussait toute manipulation des dames) ; que l’histoire y était beaucoup plus composite (Chandler ayant fondu l’intrigue de deux nouvelles antérieures, et se fichant assez d’une vraisemblance que le style seul se chargeait d’assurer) ; que la couleur d’ensemble du roman tirait, plutôt que vers le noir et blanc classieux consacré par la tradition,...
Un auteur
Contre le prêt-à-penser
Le Britannique Gregory Motton compte à 38 ans, une dizaine de pièces à son registre. Entretien grincheux avec un homme exigeant peu enclin aux compromis. Décapant.
Il faut savoir prendre son temps avec Gregory Motton. Beaucoup de temps. Et si vous enregistrez l’entretien, vous pouvez être sûr que la première face de la cassette ne sera que bredouillements et vaines tentatives d’approche. Perches tendues que le jeune écrivain britannique se refuse à saisir. Sans animosité particulière, juste pas très inspiré. Entre les grands blancs et de menus propos...
Un auteur
Meurtres sous un crâne
Régis Jauffret consacre un roman à Clémence, jeune femme en perdition, qui remplit le vide de son existence par une folle tyrannie. Voyage glacé et dérangeant à l’intérieur d’un cerveau malade de maternité.
Les romans de Régis Jauffret sont d’interminables chemins de croix. Souffrances, humiliations, rapports de domination, désirs refoulés, l’écrivain traque les fêlures de ses personnages jusqu’à l’os avec un insatiable appétit, façon nouvelle cuisine : écriture froide comme une congère, absence de descriptions, lancinants monologues qui débitent des calvaires ordinaires. L’an dernier, son...
Un auteur
Les illusions de l’enfance
Critique cinématographique et ancien directeur de colonies de vacances, Christophe Honoré s’apprête à faire ses adieux à la littérature jeunesse à 30 ans.Le temps de dire de l’enfance ce qui pouvait être dit.Avec justesse.
Christophe Honoré a vingt-six ans lorsque paraît son premier roman, Tout contre Léo. On y découvre P’tit Marcel, dix ans, dernier rejeton d’une famille de quatre frères, dont les trois autres affichent un âge en rapport avec leur taille : ces géants-là ont 17, 19 et 21 ans. P’tit Marcel est leur roi, l’enfant chéri et chouchouté, celui qu’on ne cesse d’embrasser et avec lequel encore on joue...
Un auteur
Le siècle en trois mots : métro, boulot, dodo
Poète et prosateur depuis 1929, Pierre Béarn fêtera bientôt ses 97 ans. Si la parution du premier volume de sa Poésie complète n’obtient guère d’écho, il conserve assez de fougue pour agonir les poètes à la mode et les « masturbés du cerveau ».
En plein Quartier latin, entre la Sorbonne et le jardin du Luxembourg, un écrivain veille sur ses livres et ses manuscrits en cours. Il se nomme Louis-Gabriel Besnard, alias Pierre Béarn, né le 15 juin 1902 à Bucarest, et il a connu un parcours tellement hors du commun qu’il paraît dérisoire d’en tenter une synthèse.
Pierre Béarn le voyageur a traversé le siècle de part en part et se prépare...