Chimère magnifique dont rêvait le romantisme allemand, la poétisation des sciences a trouvé en Novalis son mystagogue le plus émérite, tant le développement organique de son écriture fonctionne - tout au moins dans ses meilleurs moments - par absorption du langage discursif dans le langage « poétique ». Au lecteur de découvrir ces régions incertaines où l’atomisme sémantique du discours rationnel implose en une sourde déflagration qui ne va pas sans un tremblement sacré. A cet égard, on suivra avec intérêt les variations sémantiques du concept de « mathématiques » qui se résolvent en « pure religiosité ».
S’il n’y a pas pour Novalis « d’arrière-monde » ou de réalité supérieure, la découverte vertigineuse du fondement absolu de l’être, abolit la distinction sujet / objet et survient comme une épiphanie, une émergence du merveilleux. L’acte poétique manifeste l’unité de la Vie dans ce qu’elle a de plus général. Il est pure création, « magie ».
Certes, certains fragments sont un rien artificiels et dogmatiques ; Novalis affirme puisqu’il ne peut pas démontrer. Il expérimente les limites du langage. « La philosophie sonne comme la poésie parce que tout cri dans le lointain devient une voyelle. Ainsi, dans l’éloignement tout devient poésie ; des monts lointains, des hommes lointains, des événements lointains ».
L’intérêt de cette réédition des Disciples à Saïs réside bien sûr dans la traduction de Maurice Maeterlinck
Fragments, précédé de
Les disciples à Saïs
Novalis
traduit de l’allemand
par Maurice Maeterlinck
José Corti
452 pages, 135 FF
Poésie Novalis ou le romantisme totalitaire
novembre 1992 | Le Matricule des Anges n°2
| par
Pascal Goigoux
Un livre
Novalis ou le romantisme totalitaire
Par
Pascal Goigoux
Le Matricule des Anges n°2
, novembre 1992.