Futur, ancien, fugitif est un livre coriace, dur, réticent à se laisser comprendre. Olivier Cadiot, avec un pinceau ferait des toiles non figuratives. Ici, la langue se dévêt de sa fonction de communication, elle reste, pantelante, comme un corps en décomposition qui laisse apparaître dans sa pourriture son essence même. Heureusement, l’auteur a la gentillesse de baliser de çà, de là son roman(?) de brèves et allusives indications sur son travail de laborantin de l’écriture. Plus qu’un manifeste, un mode d’emploi de la lecture cadiotique (?), ces paragraphes symbolisent une écriture en train de se faire, une sorte d’« acting writing ». L’auteur a voulu retrouver le réseau complexe des paroles qui s’agitent autour de et en nous, retrouver la parole nue, hors de tout carcan, hors de toute forme prédigérée… On pense parfois aux surréalistes dont l’écriture automatique serait à ce texte ce que l’homme de Cro-Magnon est à nos contemporains.
Mais la lecture, si elle réussit à se maintenir tendue, du début à la fin de l’ouvrage, entraîne le lecteur dans un hypnotique voyage intérieur où se mêlent voix et images à peine perçues. Comme un rêve aux balbutiements du réveil, c’est un récit parfois nourri des éléments importés du réel, obsédants comme des gestes répétitifs, avec cette incapacité de la conscience à prendre la mesure du discours, l’ordonner, le recomposer. Libre, la pensée ne s’élève pas, elle se recroqueville, se court-circuite, s’affole autour de ses angoisses comme des électrons affolés par un aimant.
Futur, ancien, fugitif
Olivier Cadiot
P.O.L
216 pages, 110 FF
Poésie Ecrire écrit-il
janvier 1993 | Le Matricule des Anges n°3
| par
Thierry Guichard
Un livre
Ecrire écrit-il
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°3
, janvier 1993.