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Histoire littéraire Le franc-parler du poète

septembre 1995 | Le Matricule des Anges n°13 | par Éric Dussert

Poète d’inspiration surréaliste et constructeur d’avions, Maurice Blanchard a rédigé entre 1942 et 1946 un journal où gronde sa voix pleine de colère.

Danser sur la corde

Danser sur la corde, Journal 1942-1946

On n’aborde pas le journal de Maurice Blanchard sans un vertige. Sous une impressionnante couverture noire, les 700 pages de Danser sur la corde attendaient depuis cinquante ans l’occasion de libérer une terrible charge d’imprécations.
Le 3 novembre 1942, en plein cœur de la « vacherie cannibalesque », Maurice Blanchard (1890-1960) entreprend son journal. « J’ai peu de travail, j’ai un bureau silencieux et bien chauffé, une grande fenêtre de laquelle je vois le quart de la sphère céleste. Alors j’écris mon journal, j’écris des poèmes ».
Dans ses carnets, il note les souvenirs d’une jeunesse dure, fait le récit de l’exode de 1940, détaille son curriculum vitae d’autodidacte volontaire. Ce faisant, il se libère des pages douloureuses de sa vie où l’on sent parfois l’homme près de rompre par lassitude. Pourtant Maurice Blanchard dispose d’une ressource unique : la rage. « Mon agressivité et ma révolte me sauvent ».
Avec une plume acérée, il s’en prend à la société qui l’étouffe. À la faveur des événements, il expose les « mœurs d’industriels », ces « esclavagistes véreux », la vie politique « royaume de l’ordure (Shakespeare), refuge de tous les ratés, les ratés du cerveau, de la littérature, de la marine, de l’armée, des ratés du badigeon ». Cependant que sa cible de prédilection reste le pouvoir, la loi, la police ignominieuse plus nazie que les nazis eux-mêmes, l’Eglise et le marché noir qui engraissent quand le peuple meurt de faim : « l’homme, c’est un chien ». Blanchard est un franc-tireur intraitable, individualiste et totalement réfractaire.
Revêtant les habits du chantre de l’expérience collective, le poète fait la « chronique des années noires » tandis qu’il travaille pour la résistance. Ingénieur chez le fabricant d’avions allemand Junkers pour le compte du réseau de résistance Brutus, Maurice Blanchard profite de l’incurie ubuesque qui règne chez les « Européens » (les occupants) pour retarder le travail : « Si Hitler gagne la guerre, ce ne sera pas ma faute ». D’une totale discrétion sur son action, il expose un mépris sans faille pour les Allemands qui se sont laissés ronger par les idées arrondies de la propagande.
De sa poésie elle-même, il dit les recherches et les difficultés, les errements. Salué avant la guerre -Malebolge (1934) - par Eluard, Bousquet ou de Boschère comme l’épigone du surréalisme, il a intégré toute la valeur explosive de cette littérature de combat. Proche de Noël Arnaud et du groupe de la Main à la plume, il tient surtout à l’amitié de René Char dont l’ombre traverse les plus belles pages du journal. Au plus fort de la « puanteur politique », les deux hommes échangent des poèmes sur les cartes interzones, les seuls courriers autorisés entre la zone occupée et la zone « libre ». « Char c’est l’amitié. Je n’ai pas d’autre ami. »
Comme s’il fallait le prouver, il s’en prend aux tenants de la littérature : Cocteau « ce pitre », Céline « idiot out-en-gueule », Giono « galapiat », Salmon qui « se fait engraisser par les Prussiens. J’espère qu’on le pendra, c’est un mauvais poète ». Blanchard s’emporte parfois car il trouve dans les mots hostiles l’énergie nécessaire pour survivre lorsque la poésie n’est plus possible. Sous la pression et dans son franc-parler, cet homme a composé une œuvre de salut public, un grand cri contre la soumission et la résignation.

Danser sur la corde
Journal, 1942-1946
Maurice Blanchard

L’Ether vague (37, rue Jean- Sizabuiren 31400 Toulouse)
720 pages, 250 FF

Le franc-parler du poète Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°13 , septembre 1995.