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Domaine français Mémoires d’un frimeur

novembre 1995 | Le Matricule des Anges n°14 | par Didier Garcia

Roland Jaccard plonge dans le journal intime comme dans un miroir, pour s’y contempler. Confession d’un autolâtre.

Journal d’un homme perdu

Je l’avais rencontrée à Paris au cours de son voyage de noces. Elle était prête, dès la première nuit, à quitter son mari. Je l’en dissuadai. De retour au Japon, elle a divorcé et s’est mise à traduire mes livres. Un jour, au François Coppée, elle m’avait confié : « J’aimerais qu’il y ait à Tokyo un salon de thé qui porte ton nom ». »
Ces premières phrases du Journal d’un homme perdu passeraient sans doute inaperçues si le volume ne corroborait à chaque page la tonalité annoncée au début : c’est bien à des exercices d’autolâtrie que Roland Jaccard s’abandonne ici. La modestie, en effet, n’est pas son fort ! Il n’hésite ni à évoquer la réaction enthousiaste de la presse à la sortie de son roman L’Ombre d’une frange (Grasset, 1987), ni à recopier les propos élogieux tenus à son endroit : « On m’a qualifié dans le Magazine littéraire d’éminent diariste… » ! Mais ces seules exhibitions auraient-elles suffi à donner une mesure éloquente de sa magnificence ? Jaccard avait d’autres mérites à faire valoir, à commencer par ses relations, ce Tout-Paris culturel qu’il côtoie à la piscine Deligny et dans les coteries littéraires. Le lecteur découvre ainsi que le chroniqueur du Monde tutoie Bernard-Henri Lévy, donne du « Tahar » à l’auteur de La Nuit sacrée, passe ses après-midi en compagnie de Gabriel Matzneff, ses soirées avec Cioran, et rentre à 250 km/h dans la nuit au volant de la Porsche d’Yves Simon. C’est renversant ! Et comme s’il ignorait sa propre forfanterie, Roland Jaccard s’autorise encore à décliner ses conquêtes amoureuses, qui se nomment Fleur, Laure, Maitrang, et qui l’aiment « à en crever ». Évidemment !
Ces exercices d’admiration, qui ne doivent rien à ceux de Cioran, déconcertent autant qu’ils lassent : comment se peut-il que Roland Jaccard fasse si volontiers l’aveu d’un « pathos du dénigrement » alors qu’il met tout en œuvre pour se valoriser et se targuer de ses moindres succès ? Le bilan de la décade 1983-1993 en fait peut-être un homme perdu, mais s’il se dénigre ici c’est pour mieux se flatter ailleurs, ou se gausser de sa petitesse avec une mauvaise foi qui ne pourra tromper personne : « quel est ce vieux schnock qui ose encore nous importuner avec les débris de son existence ? ». Contrairement à ce qu’il a pu prévoir, ces propos qu’il prête au lecteur demeurent encore trop prudents : le verbe « importuner » s’avère ici un plaisant euphémisme…
Roland Jaccard n’en est pourtant pas à son « coup d’essai » en matière de journal intime. Sa trilogie autobiographique L’Àme est un vaste pays, Des Femmes disparaissent et L’Ombre d’une frange (Grasset 1983, 1985 et 1987) doit son existence à ces notes quotidiennes, et la rédaction de son journal s’accompagne d’une réflexion sur ce genre littéraire -il entend suivre l’exemple d’Amiel et de Julien Green, pour conjurer l’angoisse de se perdre dans la « fosse commune de l’oubli ». Mais ce dernier florilège le montre peu à son avantage : « Sera-t-il encore question de Fleur dans ce journal dans une année ? Messieurs les lecteurs, il est temps de prendre vos billets et de parier. » Gageons précisément que l’inopportune répétition de « dans » retiendra davantage le lecteur que l’issue de cette énième expérience sentimentale !
Roland Jaccard se surprenait du jugement de son ami Gabriel Matzneff : « il y avait cent bonnes choses à dire sur [le] journal » de Jaccard, « mais il n’en a pas dit une seule »… Fallait-il vraiment s’étonner d’un tel silence ? À l’évidence, l’amour de soi rend aveugle !

Roland Jaccard
Journal d’un homme perdu

Zulma
256 pages, 110 FF

Mémoires d’un frimeur Par Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°14 , novembre 1995.
LMDA PDF n°14
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