La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français Goffette, par Bonnard

septembre 1998 | Le Matricule des Anges n°24 | par Thierry Guichard

Après son Verlaine paru dans la même collection, Guy Goffette s’attaque à Bonnard via sa femme Marthe. Et capte chez l’autre son propre reflet.

Elle, par bonheur, et toujours nue

Il n’en faut pas beaucoup à Guy Goffette pour s’enflammer au coin d’une rue. Il faut dire que le poète avance avec le cœur au bout des yeux. Même s’il écrit : « Tant de beautés et aucune qui console de mourir. »
Elle, par bonheur, et toujours nue serait né du coup de foudre que l’écrivain eut pour Marthe. Non pas une passante, mais la femme et le modèle de Pierre Bonnard. Entré dans un musée pour échapper aux accablements conjugués de la chaleur et des sentiments, Guy Goffette se retrouve devant Marthe « dont j’ignorais tout, sinon qu’elle était nue, sinon qu’elle était belle, et son éclat d’un coup me rafraîchit jusqu’au ventre. » Alors, comme Pierre Michon avec Van Gogh (Vie de Joseph Roulin, Verdier 1988),l’écrivain s’attache à marcher sur les traces du modèle pour approcher le peintre. Il a beau demander pardon à Bonnard de l’amour qu’il a ressenti pour Marthe, Goffette trompe plutôt la femme que le peintre. C’est vers Bonnard, insensiblement que sa plume glisse, c’est vers le peintre que les mots affluent dans une succession de courts chapitres qui sont autant de coups de pinceau. Marthe, il est vrai n’existe pas : elle est, en réalité, Marie. Une coquetterie de provinciale lui a fait prendre un autre prénom au moment où elle rencontra Bonnard. Mais ce n’est pas parce que Marthe, dans son désir d’être femme, étouffe la spontanéité juvénile et rieuse de Marie que Goffette, bien qu’il s’en défende, s’éloigne d’elle. C’est, plutôt, parce qu’ « on n’en dit jamais autant sur soi-même qu’en parlant des autres. » Et qu’il y a chez Bonnard de quoi parler de Goffette.
Comment ne pas entendre sous la défense de Bonnard un manifeste littéraire : « Bonnard n’a eu qu’un tort, c’est de persister à devenir lui-même, à n’être que soi, mais totalement ; de dire à voix haute ce que la plupart n’osent plus penser : que le bonheur existe, et l’amour et la beauté, que ce n’est ni d’avant ni d’arrière-garde, et qu’il est sacrément bon de ne chercher que cela. Au fond de soi. Tout au fond. » Il n’est pas besoin de défendre la peinture de Bonnard ou de chercher à se justifier soi-même de n’être pas d’avant-garde. Goffette, dans son écriture qui ose les images et bouleverse les sens, écrit finalement pour ceux (nous) « qui ont des yeux et qui ne voient pas ». Comme la couleur pour le peintre, les mots pour l’écrivain révèlent après coup un sens qu’on ignorait et, pour filer un peu plus le parallèle entre son modèle Bonnard et lui-même, Goffette, qui ne rechigne pas à dire « je », avoue : « on ne sait pas ce qu’on peint, ce qu’on écrit. On n’en connaît pas le secret d’avance. On se fie aux couleurs, aux lignes, aux mots, mais ce qu’on veut faire reste caché. Ce n’est que bien plus tard que le sens tout à coup apparaît. » Le « tout à coup » a son importance : on éprouve toujours un choc à lire Guy Goffette parce que l’écrivain jamais ne s’adresse à notre intelligence mais, toujours dans la pulsion émotive, à nos sens. Il le fait avec des raccourcis parfois osés, des images d’une funambulesque générosité. Ainsi de la rencontre entre Bonnard et Marthe : « Il a plongé si profond dans ses yeux verts qu’il entend ses mots comme des galets qui roulent dans les reflets et parmi l’herbe.(…) pourvu qu’elle continue de faire bouger ses lèvres rouges et que le temps s’arrête, et qu’ils demeurent ainsi comme la mer devant la mer. Quand ils se lèvent enfin, la nuit est tombée. Il prend sa main et marche sur les eaux. » Il y a aussi cela dans ce livre : la défense d’une littérature du cœur qui ne serait pas mièvre, la défense d’un lyrisme qui n’oublie pas que « nous sommes pauvres et petits. » Ainsi le poète peut dire « il » pour parler de Bonnard ou « je » pour parler de lui, c’est notre amour qu’il évoque à chaque fois qu’il évoque l’amour.

Le très beau Verlaine d’ardoise et de pluie paraît en Folio (157 pages, 28 FF)

Elle, par bonheur, et toujours nue
Guy Goffette

Gallimard (L’Un et l’autre)
149 pages, 85 FF

Goffette, par Bonnard Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°24 , septembre 1998.
LMDA PDF n°24
4,00