Pour les citadins, il y a peut-être dans la poésie de Pascal Commère comme de l’exotisme. Attaché à sa terre bourguignonne, ce comptable des entreprises agricoles peuple ses recueils de vaches « au cul lourd ». On le sait depuis le père Hugo, la vache peut faire l’objet d’un poème. Mais les vaches qu’on croise ici n’ont rien des images d’Épinal, et rien de métaphorique. Elles sont animales comme on dirait d’un homme qu’il est humain. Vivant dans la « proximité moite des bêtes », ce que le poète nous en dit constitue comme un reportage, au temps présent, de la campagne française. Il n’est donc pas innocent le fait que soit nommé, dès l’entame, le voisin Paul, ex-cheminot, « lyrique expert en pelouse » qui de sa tondeuse déchire le silence du printemps. Le nommer, c’est ancrer tout le recueil dans le réel.
Un grande partie de Vessies, lanternes, autres bêtes cornues (l’art du titre chez Commère !) évoque l’arrivée du printemps sur les terres grasses où « la pisse d’une vache cambrée jette/ l’arc-en-ciel aux nues ». On est bien loin de la nostalgie. Au contraire, c’est toute la violence des couleurs (« le crachouillis trop vert/ des prairies alentour, les pissenlits en fleur -soleils/ de deux sous »), des odeurs. Au milieu de ça l’homme est parfois comme l’animal, pris d’un désir douloureux pour la chair. On trouvera aussi de la cruauté dans ces pages où la viande est crue, où le sang « avachit le vichy » des vestes de garçons bouchers, où la fille « qui narguait de ses seins le vent » est aujourd’hui « Vendeuse -rayon Boucherie, et le sang colle au vernis. » Il y a bien quelque chose qui colle, en effet, dans ces poèmes à la langue mouillée, glaiseuse. Quelque chose qui nous rappelle qu’on est, définitivement, liés à la terre et, en cela, cousins des ces bêtes qu’on élève et qu’on tue.
Vessies, lanternes,
autres bêtes cornues
Pascal Commère
Obsidiane
107 pages, 95 FF
Poésie Chronique paysanne
juillet 2000 | Le Matricule des Anges n°31
| par
Thierry Guichard
Un livre
Chronique paysanne
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°31
, juillet 2000.