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Jeunesse Tout ce blanc

septembre 2000 | Le Matricule des Anges n°32 | par Xavier Person

Avec une grande simplicité, les phrases de Jeanne Benameur sont posées une à une, avec délicatesse et précision, pour bien mesurer l’espace du vide où elles résonnent.

Si même les arbres meurent

La littérature entretient un rapport paradoxal avec le silence. Le mouvement que font les mots en nous vient briser ce qui s’y fige et se tait. Une parole se lève et pourtant un certain silence est inévitable. Un autre silence ? Celui qui vient après que des phrases essentielles ont été formulées ? Les deux récents romans de Jeanne Benameur écrivent la parole nouée, la tension du corps bloqué dans son mutisme, mais ils disent aussi le souffle qui se libère, les mots qui viennent.
Les Demeurées (Denoël) marquait comme une réticence par rapport au langage, une impossibilité qui pouvait être une grâce aussi bien. Soudées dans un « temps d’amour ignoré de tous », une femme simple d’esprit et sa fille opposaient leur entente fusionnelle, silencieuse, au monde du dehors, de l’école, au monde éclairé du langage et de la communication. Enfermées dans la posture régressive de l’étreinte, elles faisaient bloc contre le pouvoir des mots, par lesquels une sortie hors de soi est possible, une renaissance.
Si même les arbres meurent se construit lui aussi autour d’un point de silence, implacable. Avec leur mère, Céline et Mathieu rendent chaque jour visite à leur père qui, suite à un accident de montagne, se trouve dans le coma, condamné à mourir. La glace se fige durablement et le silence qui alors vient est celui que Charles Perrault nous décrit, dans La Belle au bois dormant, comme « le silence affreux de la mort ». Mais face à la douleur innommable, les deux enfants s’inventent un univers de légendes intimes, secrètes, se racontant des histoires où leur père devenu un chef indien pourra triompher de la mort.
« C’est une femme avec du vide autour », est-il dit de la mère des enfants perdue dans l’insondable de ce qui n’est pas encore un deuil. En phrases courtes, posées au bord de l’émotion qui brise la voix, le roman précise les contours du vide, ajoute de la blancheur à la blancheur : blanc de la neige des montagnes, de l’hôpital, de la chambre du malade, des draps, des paysages de légendes. Blanc sur blanc. Seul l’éclat vert des yeux du père est espéré par les deux enfants, qui ne réussit pas à percer dans la blancheur trop froide où ne se fait plus entendre que la respiration du malade. Respiration perdue qui « ne fait plus vivre véritablement quelqu’un ».
Mais dans cette trop grande blancheur, un voyage initiatique est possible finalement, vers la révélation d’une vérité qui rend le vivant à lui-même, à la seule évidence de son incarnation. Le voyage dès lors se fait au centre de soi-même.
Les paroles d’un balayeur africain rencontré dans le sous-sol de l’hôpital vont permettre au jeune garçon d’envisager la mort de son père : « Continue, enfant, continue. Comme tu continueras, toi, à partager l’air du monde avec les autres. Tous, nous laissons l’air un jour et d’autres que nous continuent à le faire entrer, le faire sortir de leurs poumons. C’est cela la vie ». C’est simple et c’est essentiel, comme l’écriture de Jeanne Benameur.
Comme ses phrases resserrées, douloureusement contractées, qui soudain se libèrent et libèrent en nous le flux de l’émotion. Donnent au silence sa juste mesure, et son intensité. Et au passage du souffle tout l’éclat de sa très simple évidence.

Si même les arbres meurent
Jeanne Benameur
Éditions Thierry Magnier
111 pages, 43 FF

Tout ce blanc Par Xavier Person
Le Matricule des Anges n°32 , septembre 2000.