Chaque matin, au lever, un 357 Magnum lui éternue ses mortelles salutations. « Quitte à perdre quelques minutes de sommeil, je préfère me tuer avant les informations. Après, ça va mieux. » Fier comme un Lazare ressuscité, l’atrabilaire rescapé se traîne ensuite jusqu’à la salle de bains où il se saborde au rasoir, tel un vulgaire tranchelard. Après, ça va mieux. Jusqu’au coucher, ça ira de mieux en mieux : l’absorption d’expéditifs cocktails de barbituriques, le saute-mouton sur de radicales mines antipersonnelles -soigneusement disposées par ses soins sous le carrelage- et le lancer de grenades dégoupillées lui assureront un taux de mortalité honorable. S’il est vrai que le plus beau présent de la vie est « la liberté qu’elle vous laisse d’en sortir à votre heure » (André Breton), le héros anonyme et suicidaire du roman Une parfaite journée parfaite pourrait s’estimer lésé par l’horlogerie qui règle sa dernière heure, sans cesse suspendue. Toujours en retard d’une mort, ou en avance d’une vie, ce Phénix clownesque traverse le « vide intersocial » de l’existence en apesanteur. Même le lest incongru d’un requin blanc de six mètres, nageant dans son corps, ne parvient pas à lui prodiguer la stabilité indispensable à toute tentative d’intrusion dans la société. « Il y a toujours eu un problème de décalage entre le monde et moi. » On songe à la poésie loufoque de L’Écume des jours de Boris Vian, aux absurdes gags des Monty Pythons, aux délirants dessins animés de Chuck Jones. Contemporain dans l’écriture de Comment je suis devenu stupide (Le Dilettante, 2001), Une parfaite journée parfaite est le deuxième roman publié de Martin Page. À travers le nihil
Une parfaite journee parfaite
Martin Page
Éd. Nicolas Philippe et Éd. Mutine
117 pages, 12 euros
Domaine français Le trépas né
juin 2002 | Le Matricule des Anges n°39
| par
Pascal Paillardet
Un livre
Le trépas né
Par
Pascal Paillardet
Le Matricule des Anges n°39
, juin 2002.