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Domaine étranger L’imagination au pouvoir

septembre 2003 | Le Matricule des Anges n°46 | par Dominique Aussenac

Polar, érotisme, politique : Santiago Gamboa se joue de la narration, prouvant que la littérature est bien le lieu de tous les possibles.

Quelle malédiction a pu frapper la Colombie ? Est-ce le fait de porter le nom du découvreur officiel des Amériques, Colomb Cristobal ? Ce pays en « paix » détient depuis belle lurette le record mondial de morts par homicide. La situation actuelle, sanglante, chaotique (corruption, narcotrafiquants, guérilla, contre-guérilla paramilitaire, instabilité et assassinats politiques) ne reflète en fait que celles des siècles passés. On peut comprendre alors que le natif d’Aracataca, Gabriel García Márquez (prix Nobel en 1982), ait versé dans son réalisme quelques doigts de magie et d’allégories pour peut-être diluer tout cela. Santiago Gamboa, natif de Bogota en 1966, lui, a délibérément quitté son pays, pour l’Europe. Après avoir étudié la philologie à Madrid, entreprit un doctorat à la Sorbonne sur la littérature cubaine, il officie actuellement comme journaliste pour Radio France International à Rome.
Ses deux premiers ouvrages apparaissent comme des exercices de style dans les domaines du polar et du roman d’aventures. Perdre est une question de méthode (que Métailié réédite dans sa collection « Suites ») nous entraîne dans les pas d’un journaliste qui enquête à propos d’un cadavre empalé sur une croix. Au-delà du scénario classique qui présente violence, corruption, fragilité, doute et alcoolisme du « héros anti-héros », ce livre surprend par la qualité et la diversité des portraits, des dialogues et l’humanité qui en découle. Les Captifs du lys blanc (Métailié, 2002) offre une galerie aussi exubérante de personnages avec lesquels nous découvrons la Chine des Boxers au début du XXe siècle. Un siècle plus tard, le manuscrit fondateur de la secte réapparaît et devient l’objet de maintes convoitises. Ici aussi, beaucoup d’aisance, d’humour, de références littéraires. Toutefois Esteban le héros, son nouvel ouvrage, recèle plus d’ambition, de maturité, tout en conservant fraîcheur et humilité, l’auteur paraît plus posé, plus vrai peut-être parce que plus autobiographique.
Même technique que précédemment, si le narrateur évoque sa propre histoire, celle d’un adulte qui devenu écrivain raconte sa vie, il décrit aussi celle d’une dizaine de personnages à qui il arrive une multitude d’aventures. Les récits s’entrecoupant, se démultipliant le lecteur a l’impression de lire trois à quatre nouvelles en même temps. Gamboa décline à travers elles, la plupart des genres littéraires (roman d’amour, roman historique, mystère, aventures érotiques, policières, etc.) Les rythmes, les tempos, les suspenses eux aussi diffèrent, certains récits traînent langoureusement, d’autres piaffent d’impatience pour d’un coup décoller d’une manière fulgurante.
Dans cette galerie de superbes portraits, nous retiendrons celui de Tonio, être frustre, qui se met à dévorer des livres pour l’amour de Delia, celle-ci finira par tomber amoureuse d’un curé, ancien soldat républicain espagnol. Tonio, par dépit s’engagera dans la guérilla. Federico, lui, n’a qu’une passion dans la vie ; arriver à y mettre fin, il tombera amoureux de la sœur d’un suicidé. Le récit prendra alors une magnifique dimension fantastique. Il y sera question d’ésotérisme, de réincarnation, d’âmes en peine devant expier leurs fautes. L’histoire de Federico et celle du suicidé donneront alors l’impression d’engrenages s’entraînant l’un et l’autre dans des sens radicalement opposés, mais tout aussi funestes.
En toile de fond, Gamboa se fait historien et expose la situation politique de la Colombie des années soixante à nos jours, puis écrivain-voyageur décrit l’Europe, ses villes, ses monuments, ses ambiances. Entre chaque récit, sans théoriser, dans une très humble mise en abîme il parle de l’écriture, décrit les doutes, les vanités, les échecs, le travail, le plaisir d’écrire, d’une manière claire, pleine d’auto-dérision tout en révélant ses influences, ses lectures, ses maîtres ou les auteurs qui l’insupportent. Oui, un écrivain ne se fait jamais tout seul, c’est le résultat d’expériences, de vécus, de lectures, de rencontres, d’une obstination, d’un travail. Cette évidence, Esteban le héros l’énonce d’une manière aussi lumineuse que vertigineuse, passant frénétiquement les êtres, les mondes, les univers en revue et ce avec une candeur et une imagination des plus percutantes. « Putain ! dit-elle. Qu’est ce que ça veut dire « le corbeau à la blancheur marmoréenne révolue » ? »

Esteban le héros
Santiago Gamboa
Traduit du colombien par A.-M. Meunier
Métailié
350 pages, 20,50

L’imagination au pouvoir Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°46 , septembre 2003.
LMDA PDF n°46
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