Aucun endroit n’est vide, personne ne quitte jamais personne « : dans Le Toit de tôle rouge, l’écrivain d’origine indienne Nirmal Verma distille une littérature fondamentalement optimiste. Le grand voyageur, observateur attentif de la société hindi, s’attache ici à l’épanouissement d’une adolescente, Kaya, habitante d’un village isolé de la chaîne himalayenne. Dans un décor minimaliste, loin des grandes villes à peine évoquées, Kaya grandit dans une insouciance craintive. Elle pressent la santé fragile de sa mère enceinte, ressent l’absence prolongée de son père parti travailler au loin, mais toute prise de conscience est impossible. Kaya refuse de grandir. L’attrait de l’imaginaire et du mystère est pour elle bien plus enrichissant. Lorsque la nuit envahit sa maison battue par les vents, Kaya se réfugie auprès de la déesse Kali qu’elle invoque.
L’Inde rurale, les tourments d’une jeune fille issue de la classe moyenne, tout rappelle ici le courant littéraire dont Nirmal Verma est un fervent défenseur depuis les années 50 : le » Nouveau récit ". Toute évocation, tout questionnement passent par le regard de l’enfant en devenir et deviennent ceux du lecteur à qui l’on interdit tout recul et toute analyse hâtive. Le temps doit faire son œuvre là où rien ne vient rythmer le défilement du jour. Déjà dans Un bonheur en lambeaux (Actes Sud, 2000), l’auteur avait pris pour personnage principal un adolescent candide, qui perd au fur et à mesure son voile d’innocence. Avec Le Toit…, Nirmal Verma retrouve cet univers intimiste, douloureux, mais libérateur de l’adolescence. Il en décrit avec justesse les circonvolutions jusqu’à l’épanouissement final.
Le Toit de tôle rouge de Nirmal Verma
Traduit du hindi par A. Montaut et F. AuffretActes Sud, 264 pages, 19,90 €
Domaine étranger Envol
février 2004 | Le Matricule des Anges n°50
| par
Franck Mannoni
Un livre
Envol
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°50
, février 2004.