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Zoom L’enfance en Bataille

mars 2004 | Le Matricule des Anges n°51 | par Thierry Guichard

Christophe Honoré publie un récit grinçant et drôle pour la jeunesse et termine le montage de son film, Ma mère d’après Bataille. Radical.

Christophe Honoré est un menteur. Il avait annoncé qu’à 30 ans il quitterait la littérature jeunesse et voici qu’à 33 il publie un nouveau récit à l’École des loisirs. « Je me parjure. Je devais finir avec une autobiographie sous forme de journal tenu par un enfant de 10 ans mais je suis complètement bloqué sur ce livre. » Un livre qu’il évoquait déjà il y a un an et demi (cf. Lmda N°40) alors qu’il envisageait de faire un film autour de Ma mère de Georges Bataille.
Mais les difficultés à trouver le financement de ce film, jugé pornographique par les télévisions et l’avance sur recettes, ont retardé le moment de tourner. D’où l’écriture de M’aimer. Un livre impulsé par le plaisir pris à lire une centaine d’albums retenus pour le prix Baobab du salon de Montreuil 2002 dont il était un juré. Sylvio, enfant monstrueux était d’abord un personnage d’album où toujours « un personnage qui évoque le mal est déshumanisé. J’avais envie de créer cet enfant terrifiant. » Proposé à l’École des loisirs, le texte s’avère ne pas convenir au genre de l’album. Le texte est transformé en un court roman pour la collection « Mouche ». On y retrouve Anton (personnage récurrent) et son père, l’écrivain tout heureux d’avoir fini un nouveau livre pour la jeunesse. Anton se fait raconter l’histoire, mais très vite il n’écoute plus : il se sent trahi parce que, pour la première fois, il n’est pas le héros de son père. C’est Sylvio qu’aussitôt l’enfant déteste et qu’il va éliminer. Le roman est drôle, vif dans son jeu de miroirs et fait plus d’un clin d’œil à cette relation ambiguë que l’autofiction peut produire. Mais il enferme en son centre l’histoire de Sylvio, pour le moins effarante. Sylvio est un enfant du divorce qui vit six jours chez son père en Suisse et six jours chez sa mère à Nice. Dans le TGV qu’il a l’habitude de prendre tous les dimanches, il aborde les gens les plus bizarres. Comme cet écrivain auquel il montre un tatouage que son père a accepté de lui offrir, puis un autre (sa mère), puis les deux barres de fer qui percent ses sourcils (sa mère encore). C’est beaucoup, ces piercings, pour un gamin de 8 ans… Mais « ça ne s’est pas arrêté là vous savez ». Sylvio comptabilise les opérations de chirurgie esthétique que ses parents lui ont offertes (les oreilles payées par le père, le nez par la mère), puis les muscles, puis les poils implantés sur le torse. Sylvio est un catalogue de chirurgie à lui tout seul car ses parents : « disent oui à tout parce qu’ils m’aiment ». M’aimer ouvre ainsi une fenêtre inquiétante sur l’enfance d’aujourd’hui et sur cette incapacité à aimer qui fait des enfants des petits dieux inquiétants.
On n’est finalement pas si loin de l’univers de Ma mère, le roman inachevé de Georges Bataille que l’écrivain cinéaste vient de tourner aux Canaries… Après Dix-sept fois Cécile Cassard où Béatrice Dalle jouait le rôle d’une mère qui abandonne son fils, voici donc l’histoire de Pierre, grand adolescent que sa mère déniaise. Le roman de Georges Bataille évoque l’effroyable auquel Pierre se confronte par amour pour sa mère. « Bataille, c’est le contraire du cinéma : il ne montre rien. » Comme dans Dix-sept fois Cécile Cassard, le père meurt dès le début du roman laissant la voie libre pour l’impossible inceste. Subversif, Ma mère a tenté plus d’un cinéaste (Malle, Bertolucci) qui ont du in fine, renoncer à une adaptation fidèle du chef-d’œuvre. Ce n’est pas par défi, cependant, que le jeune cinéaste s’est lancé dans la réalisation de ce film qui mettra Isabelle Huppert, Louis Garrel, Joana Preiss et Emma de Caunes à l’affiche. « Pour moi la littérature s’intéresse aux pères et le cinéma aux mères. Je voulais tourner une histoire autour de la toxicité des mères. Je suis tombé sur Ma mère parce qu’à l’époque, pour écrire Scarborough je lisais beaucoup Bataille. Je n’avais plus besoin d’inventer une histoire… » Ce n’est pas le côté subversif qui retient Honoré puisque « les transgressions sexuelles du roman sont aujourd’hui dépassées », mais le côté addictif du plaisir et le fait que le héros, Pierre, soit encore un enfant qui découvre la sexualité la plus folle.
Le cinéaste a transporté l’histoire aujourd’hui à Las Palmas où des charters débarquent des milliers de touristes allemands venus consommer du sexe là « où le rapport au corps est un rapport à la marchandise ». Les lecteurs de L’Infamille (L’Olivier) reconnaîtront les lieux… « Je voulais voir comment les personnages de Bataille résistent à ce genre d’endroits. Ce ne sont pas des libertins, ce qu’ils cherchent dans le sexe, c’est le contraire de la jouissance. »
Sa « réflexion à partir de Bataille » décevra ceux qui y chercheront « quelque chose de sulfureux autour du sexe ». Mais quels critiques verront dans le film les citations de Sarah Kane ou Bret Easton Ellis (après Guyotat cité dans son premier long métrage) ? Christophe Honoré revendique la nécessité pour le cinéma de s’inspirer de la littérature. S’il est sélectionné pour Cannes Ma mère sortira au printemps, sinon à l’automne.
D’ici là, le réalisateur se sera lancé dans une nouvelle aventure : il va monter une de ses pièces, Beautiful Guy (cf. Lmda N°40), à Dijon au mois de mai. Et poursuivre l’écriture de son prochain roman, « très autobiographique ». On comprend alors, qu’avec toutes ces activités, le bonhomme n’ait guère le temps… de faire des compromis.

M’aimer
Christophe Honoré
L’École des loisirs (« Mouche »)
71 pages, 7,50

L’enfance en Bataille Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°51 , mars 2004.
LMDA PDF n°51
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