Ne cherchez pas : Lume est inconnu des dictionnaires. « C’est un mot né d’une libre inspiration toute baudelairienne associant la pluie et la lune », explique Marie Cimaroli, qui ajoute en souriant : « Je suis aussi un peu lunatique ». Née en 1971 à Ris-Orangis, la jeune femme, d’origine italienne, vient de créer sa propre maison d’édition, au cœur de la Touraine, entourée par les champs de blé et de tournesol. Après une licence de lettres et un BTS d’assistante de direction, elle a rejoint en 1994 les éditions de Paris, dirigées par Jean-Luc de Carbuccia et spécialisées dans le domaine religieux et les ouvrages d’exégèse. Elle y a appris le métier pendant dix ans : relecture des textes, choix des illustrations, fabrication, relations avec les libraires. « Faire un livre, il faut le reconnaître, je ne sais faire que ça. » Au fil du temps, voler de ses propres ailes est devenu « une urgence ». En octobre dernier, elle se lance dans le grand bain avec pour programme de « diffuser une pensée et une création personnelles et inattendues en faisant connaître des textes oubliés et en permettant à des auteurs contemporains de s’exprimer librement. » Ce printemps, elle vient de publier ses trois premiers livres, inaugurant ainsi sa collection centrée sur la réédition d’auteurs classiques : Le Bouddhisme d’Ernest Renan et L’Insecte (deux volumes) de Jules Michelet. « L’Insecte était aujourd’hui épuisé puisque ce texte n’est pas ressorti dans la Pléiade. »
Un format poche, des couvertures élégantes, un graphisme très soigné, le tout à prix réduit (6 €) : cette belle collection a de quoi séduire elle abritera prochainement une nouvelle de Guillaume Apollinaire Don Juan Tenorio ainsi que La Comédie du diable de Balzac. « Je veux que mes livres soient vite accessibles. C’est une façon de me faire connaître. Ensuite, j’aurais les reins suffisamment solides pour soutenir un texte contemporain. »
Ses premiers ouvrages sont tirés à 500 exemplaires, « je ne prends pas beaucoup de risques » et témoignent des centres d’intérêt de l’éditrice. D’une part, la nature comme « source d’inspiration merveilleuse » elle prépare actuellement Les Fruits en majesté de la Société régionale d’horticulture de Montreuil-sous-Bois et du Potager du Roi (texte et gravures). D’autre part, l’histoire des religions. « Le rapport à la transcendance m’a toujours intéressée. J’aime comprendre comment les civilisations ont abordé la question de Dieu », dit cette catholique non pratiquante. « Ma grand-mère paternelle était une passionnée de l’Asie, elle s’intéressait aux représentations et aux divinités du bouddhisme. Elle m’a initiée à ça. Après des études de Beaux-arts en 1920, son rêve était d’enseigner le dessin en Inde. »
Lectrice de Calvino, Kundera, Capek, Walser ou encore Réda (« j’ai du mal avec la littérature française contemporaine »), Marie Cimaroli se qualifie davantage comme une « sensitive » qu’une « intellectuelle ». Et a la tête sur les épaules : « Je refuse d’être une éditrice dilettante. J’attends l’année prochaine pour démarcher un diffuseur ». Parallèlement, pour alimenter sa trésorerie, elle transforme des manuscrits en livres que lui confient des écrivains en herbe. « C’est un boulot alimentaire comme un autre »…
Éditions Lume Le Marais 37800 Saint-Épain tél./fax 02.47.65.86.75. lume@tiscali.fr
Vie littéraire Le ver et le fruit
juin 2004 | Le Matricule des Anges n°54
| par
Philippe Savary
33 ans, Marie Cimaroli lance les éditions Lume qui feront la part belle aux siècles passés avec des livres oubliés ou inattendus.
Le ver et le fruit
Par
Philippe Savary
Le Matricule des Anges n°54
, juin 2004.