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Poésie The Mind parasite

juillet 2004 | Le Matricule des Anges n°55 | par Catherine Dupérou

Poète-performeur américain, héritier de la Beat Generation, John Giorno redonne à lire son très urbain et cathartique « Suicide Sûtra ».

Suicide sûtra

Du travail de son grand ami John Giorno, William S. Burroughs, dans sa préface éclairante à Il faut brûler pour briller (Al Dante, 2003) écrit : « À qui est-ce que l’on parle quand on se parle à soi-même ? Le soi est-il vraiment le soi ? John Giorno élève ces questions à une intensité quasi insoutenable, jusqu’au cri de reconnaissance surprise. (…) Ses litanies de l’outremonde spirituel se réverbèrent dans le crâne (…) pour venir ventriloquer nos propres pensées ». Âmes sujettes à la sensiblerie s’abstenir.
Né en 1935 à New York, Giorno travaille dans un bureau de change de Wall Street lorsqu’il rencontre Brion Gysin, poète et artiste pluridisciplinaire. Influencé par ses « cut up » et « permutations », comme par la poésie concrète, il quitte la finance pour se consacrer à la poésie et à la notion de « lecture ». Il mettra d’autres voix que la sienne sur ses premiers poèmes, dont celle de Gysin sur Subway Sound. Gravitant autour du Pop Art, dont il appliquera les idées à la poésie, il sera en 1963 l’unique acteur du film d’Andy Warhol, Sleep, filmé durant huit heures en train de dormir et rêver. Spécialiste de la musique rock, il crée en 1965 Giorno Poetry Systems, une société de disques qui publiera plus de quarante vinyles et CD de poètes et de musiciens performeurs, dont William Burroughs, Anne Waldman et Laurie Anderson. En 1968, il se sert du téléphone comme moyen de propagation de la poésie, c’est le Dial-A-Poem qui reçoit un énorme succès : des milliers de personnes appellent pour écouter de la poésie ! Expérimentant de nouveaux médiums, innervant la poésie d’électronique et de multimédia, soit « toutes les sources de divertissement de la vie quotidienne », John Giorno n’a de cesse, depuis quarante ans, de vouloir sortir la poésie du registre confidentiel et élitiste.
Initiateur de la Found poetry, utilisant des fragments bruts de journaux et de publicités comme matière première à des collages agencés dans le style neutre des petites annonces et des rapports de police, Giorno va peu à peu délaisser ces « chiures », purs déchets de la société de consommation, pour n’en garder que l’image qu’elles suscitent en lui. Jamais il ne perdra de vue que ses poèmes sont écrits pour être dits dans le cadre d’une lecture publique, leur insufflant une tension et une dynamique capables de soutenir l’exercice physique de la performance. Le poème liminaire et éponyme de Suicide Sûtra1 est un manifeste poétique duquel le lecteur-auditeur est incité à devenir acteur : « Tout le monde est invité à participer à ce poème ». Le ton itératif et le mode impératif nous immergent au plus profond de l’expérience du langage qui fait de chacun de nous un être humain vivant, acteur de sa vie à force de persuasion. Et nous placent d’emblée au cœur d’un processus mental qui nous « virusse » et devient nôtre. Écrits dans la langue urbaine et crue des trottoirs de New York, les textes de Giorno se posent sur la page en deux longues colonnes symétriques ou décalées, telles deux bandes magnétiques qui déroulent les histoires de sexe et de dérives obsessionnelles dans un univers électrique qui n’a rien à envier à l’univers punk-rock à venir.
Casque sur les oreilles, connecté directement sur son magnétophone interne, John Giorno agite le poème, fait corps avec son texte, comme on respire, pour rester vivant. Mots et muscles bandés, il donne vie, dans un théâtre de la cruauté où sens et sueur se rejoignent, à une foule de voix qui « braquent la lumière crue d’une lampe-torche sur nos âmes ». Nous réveillant à nous-mêmes, la structure litanique et cathartique de la poésie de Giorno est aussi profondément imprégnée de pensée orientale. Adepte de la méditation bouddhiste tibétaine depuis trente ans, le poète a fait son viatique de cette injonction du Livre des Morts tibétain : « si une chose est belle, ne t’y accroche pas ; si une chose est repoussante, ne t’en écarte pas ».
Entre violence et sérénité, sordide et sublime, la poésie de John Giono nous irradie, « plus vite que la lumière, sans compromis ».

Suicide Sûtra, John Giorno
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Gérard-Georges Lemaire
Al Dante, 264 pages, 20

1 Initialement paru aux éditions Christian Bourgois en 1980

The Mind parasite Par Catherine Dupérou
Le Matricule des Anges n°55 , juillet 2004.
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