Situé entre le cabinet d’un dentiste et celui d’un gynécologue, l’appartement d’Éric Chevillard et de sa compagne Cécile est envahi par les livres. « C’est affreux. J’en suis arrivé en désespoir de cause à la solution lamentable du classement par format ». Les œuvres complètes de Marcel Schwob et la nouvelle traduction de Tristram Shandy sont ainsi posées l’une sur l’autre, à l’horizontal, au bas d’une étagère, « parce qu’elles ont la même taille et qu’elles ne tiennent pas debout ». Si les sciences humaines (Cécile enseigne la philosophie) ont trouvé refuge dans un petit bureau, le salon regorge d’ouvrages de littérature. Une étagère est consacrée aux Éditions de Minuit. Jean Echenoz, Marie NDiaye, Jacques Serena ou Eugène Savitzkaya, « avec qui je me sens beaucoup d’affinités, parce qu’il n’a jamais renoncé à la parole poétique », côtoient leurs illustres aînés, Beckett, mais aussi Robert Pinget ou Claude Simon. Au centre, des monographies de Dubuffet et de Gaston Chaissac s’intercalent entre les Papiers collés de Georges Perros et La Comédie humaine, « découvert très jeune dans la bibliothèque composite de mes parents, à une époque où je passais avec avidité d’écrivains médiocres à de très grands auteurs. J’entretiens une sorte de lien nostalgique avec Balzac. Je le relis avec le bonheur de retrouver des sensations d’enfance. » La Pléiade d’Henri Michaux fricote avec la Correspondance de Flaubert, dont l’allégresse et la liberté de ton le touchent plus que les romans, excepté Bouvard et Pécuchet. Soir bordé d’or d’Arno Schmidt, offert il y a peu par son traducteur attitré, Claude Riehl, s’est glissé non loin. L’hôte des lieux ne résiste pas à l’idée de faire découvrir cette « Farce-Féerie pour amateurs de crocs-en-langue » au format pour le moins insolite. Les contemporains ne sont pas en reste. Pierre Michon, « un écrivain pour qui on peut avoir de la reconnaissance », fait face à Julien Gracq. Lydie Salvayre, Valère Novarina ou encore Olivier Cadiot figurent également en bonne place. Tout comme Antoine Volodine, « un des écrivains au travail qui comptent. J’aime comme il parle du monde d’aujourd’hui en évoquant ses ruines à venir, et la manière dont il revient sur ses précédents livres pour réorganiser le tout en système… Les auteurs que j’apprécie le plus sont ceux dont on sent que le projet a du souffle, dont l’oeuvre n’est pas une succession de soubresauts. »