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Histoire littéraire Une famille à vif

avril 2005 | Le Matricule des Anges n°62 | par Thierry Guinhut

Marina Tsvetaeva et sa fille Ariadna, deux destins tragiques du siècle dernier, deux journaux de vies transfigurées et malmenées.

Chronique d’un goulag ordinaire

Qui eût cru qu’il restait autant d’inédits de la grande poétesse Tsvetaeva (1892-1941) ? Grâce aux soins inquiets de sa fille Ariadna qui rassembla la matière de dix tomes d’écrits intimes, voici entre nos mains un choix qui balaie toute une vie. En même temps que nous sont révélées les lettres du goulag de celle par qui la mémoire de la poésie russe de la première moitié du XXe siècle fut sauvée.
Si les plus beaux poèmes ont été réunis dans L’Offense lyrique, si les plus beaux récits ont été publiés par l’éditrice passionnée Clémence Hiver, il manquait à l’évidence cette immense chronique, de la révolution bolchevique à l’exil, jusqu’à la traque stalinienne et au suicide, en passant par une vie littéraire et amoureuse intensément remplie. Certes, on peut se demander si le choix de Todorov rend justice aux torrents de lettres, de brouillons et de carnets dont les éditions des Syrtes prévoient de traduire l’intégralité. Il n’en reste pas moins que passe « tout un incendie »… Marina est une « personne écorchée » pour laquelle « tout tombe comme une peau, et sous la peau il y a la chair à vif et le feu ». Elle s’éprouve sans limites, capable de « mener dix relations (bonnes « relations » !) à la fois et soutenir à chacun, du tréfonds de mon être, qu’il est le seul et unique ». C’est ainsi qu’elle aime son mari, qu’elle correspond avec Rilke et Pasternak, prise de passions intellectuelles flamboyantes… Tout en cherchant une expression qui lui échappe : « Aucune forme ne me convient même pas celle, très vaste, de mes vers ! Je ne peux vivre. Rien ne ressemble à rien. Je ne peux vivre qu’en rêve ». Ce pourquoi, au-delà du dénuement au retour en Union soviétique et de l’oppression policière, elle choisit de se tuer.
Après une enfance dorée et une jeunesse météorique de poète précoce, elle doit fuir une révolution (l’une de ses filles mourut de faim à 3 ans) qui très vite récusa toute création libre, originale. Croit-elle trouver dans l’exil des complicités littéraires, que Paris la déçoit cruellement. Le retour au pays est illusoire jusqu’au terrible : « Puisque j’ai pu cesser d’écrire des poèmes, je pourrai un beau jour cesser d’aimer. (…) Bien sûr, j’en finirai par un suicide, car mon désir d’amour est un désir de mort. » Ce qui prouve que chaque bribe est aussi soignée qu’une page de vers… Tout cela forme une autobiographie éclatée, éclatante et poignante. Sa vie est une avalanche de cataclysmes affectifs, financiers, politiques ; et seule la vie « transfigurée » par l’art a valeur à ses yeux. Cette « sténographe de l’être » (ce fut l’épitaphe dont elle rêvait) connaissait la teneur et la réalité de son génie, bien qu’elle eût grand mal à être publiée. Aujourd’hui semble enfin réalisé le souhait le plus cher de sa fille : rendre justice à son originalité, à son amplitude.
Est-ce ce désir fou qui soutint Ariadna lors de ses deux longs séjours au goulag ? Si elle paraît noter le « plaisir de voir le drapeau rouge flotter au-dessus de notre combinat dans un ciel d’un bleu pur », ce n’est que parce que ses lettres sont indubitablement surveillées. L’on sait en effet que Marina rejeta le communisme, refusant d’adorer « l’homme nouveau (…) moitié machine -moitié singe- moitié mouton ». Sa mère morte, son père arrêté, Ariadna Efron (1912-1975) n’a d’autre joie, pendant ses efforts de survie que l’intériorisation de la censure paraît rendre acceptables, que de savoir retrouvés les précieux manuscrits maternels. Les pages si tendres de son « Essai sur maman » consacré au culte de Marina, permettent à cette chronique de n’être pas éclipsée par les Soljenitsyne et Chalamov, chantres indépassables de l’horreur du goulag ordinaire.

Vivre dans le feu
Marina Tsvetaeva
Textes choisis
et présentés
par Tzetan Todorov
Traduit du russe par Nadine Dubourvieux
Robert Laffont
480 pages, 22
Chronique d’un goulag ordinaire
Ariadna Efron
Traduit du russe par
Simone Goblot
Phébus
288 pages, 19,50

Une famille à vif Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°62 , avril 2005.
LMDA PDF n°62
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