Cet album, paru aux États-Unis en 1976, n’a rien perdu de sa modernité de ton. Inscrit dans la même veine poétique et philosophique (le sens de la vie) que L’Arbre généreux (L’École des loisirs, 1982), Le Petit Bout manquant relate la quête d’un cercle inachevé à la recherche de sa partie manquante. Chacune des doubles pages est illustrée de dessins minimaux noir sur blanc, un long trait la plupart du temps horizontal tracé de part en part sur lequel roule le cercle. Parfois le poète américain y a ajouté d’autres « bouts » rencontrés au cours de l’aventure, ou encore des petits insectes (un papillon, un scarabée) qui dynamisent l’ensemble de la composition graphique. Le texte lui-même renforce cette dynamique : il n’est jamais à la même place, n’a jamais la même longueur. Rien ne semble figé et au bout du compte, Shel Silverstein restitue ainsi, de manière détournée et sans artifices, l’idée même du mouvement, du déplacement.
Dans Le Petit Bout manquant, la finalité n’est pas de trouver son « petit bout manquant ». L’intérêt réside dans la quête elle-même, ce cheminement qui fait grandir, aller de l’avant.
Sans démonstration ostentatoire, Shel Silverstein excelle dans la narration des petits riens de la vie, aborde les moments difficiles de l’existence de son personnage en utilisant le mot et l’image avec parcimonie, laissant une grande part à l’imaginaire du lecteur, à l’émotion. Soulignons aussi la qualité de la traduction qui a su rendre le rythme et la légèreté du texte d’origine. Du grand art.
Le Petit Bout manquant de Shel Silverstein
Traduit de l’américain par Françoise Morvan
MeMo, non paginé, 16 €
Jeunesse Le bonheur est dans le pré
mars 2006 | Le Matricule des Anges n°71
| par
Malika Person
Un livre
Le bonheur est dans le pré
Par
Malika Person
Le Matricule des Anges n°71
, mars 2006.