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Domaine français Sur la route

mars 2006 | Le Matricule des Anges n°71 | par Anthony Dufraisse

L' Effort du monde au matin pour redevenir soleil

Quand on y pense et sans avoir à trop forcer son imagination, une voiture peut tout à fait se transformer en salle de cinéma. Où qu’on regarde, pare-brise, rétroviseurs, vitres, on a, au volant, l’œil sur toutes sortes d’écrans de cinémascope. Où que les yeux se portent, vers l’avant, vers l’arrière, sur les côtés tout aussi bien, sans interruption se déroule ici ou là un cinéma qui ne peut être que celui du réel. Et celle qui parle dans ce livre, un livre (publié comme les trois précédents chez Nadeau) qui n’est pas sans rappeler l’esprit ou le principe des road-movies, en fait l’expérience. Et qui va là, sur ces écrans ? Des ombres chinoises, « apparitions et chimères », « des ombres branlantes et abstraites », « des silhouettes balbutiantes », « des vies humaines se soutenant piteuses mal en point rieuses contredites » bref, « les spectres des Prolétaires Anonymes ». Oui, « tout cela dans le pare-brise », assurément pas du beau linge, mais des bonshommes essorés, vidés, venus d’on ne sait où, allant vers on ne sait quoi, sûrement perdus, éperdus aussi. Tout un cinéma du réel, disions-nous d’entrée, toute une vue imprenable sur la réalité vraie, parce que c’est un « regard réel » qui préside à l’écriture de ces pages.
Regard d’une femme qui donc a pris la route sans trop savoir pourquoi. Ou tout du moins qui paraît ne pas vouloir s’avouer pourquoi, qui ne veut pas, ou qui peine, justement, à regarder la réalité en face. Pour fuir la routine, cette femme roule en roues libres. Non pas à la recherche de quelque dépaysement, non pas du tout. Bien plutôt semble-t-elle chercher un apaisement intérieur en allant ailleurs, n’importe où, au hasard des échangeurs. Tant que tourne le moteur, cette caméra qu’est l’œil enregistre : « j’ai pris ma voiture, parlé avec mes yeux ». Ici nul voyage d’agrément mais bien une virée, un vagabondage improvisé de bout en bout. Pas de bagages, mais des passagers d’une heure, d’un jour. Cette voyageuse qui n’en est pas vraiment une, devient très vite une convoyeuse. Il est alors, chemin faisant, question de compagnons de route et d’un communisme des « hommes déroutés ». Et peu importe que toute cette communauté de désaxés, pas fous mais errants, fasse fausse route ; il s’agit avant tout d’être ensemble, fût-ce dans le silence, de se sentir moins seuls.
Dans ce livre on ne dialogue pas, ou très peu, ou très mal ; mais on soliloque. « Soliloques inutiles sublimes immenses », « des soliloques brouillons » où pointe et perce une plainte à peine retenue. Dans le crissement des pneus sur l’asphalte et le grincement des freins, dans le ronronnement du moteur et la vibration de l’habitacle, quelque chose d’un spleen se fait entendre. Détresse mezzo vocce, en sourdine, de l’homme moderne, en l’espèce ici de la femme, envahie par le monde extérieur mais ne pouvant lui donner intérieurement vie. Qu’il est difficile d’aimer ce monde-là, si désincarné, si déshumanisé. Aussi y a-t-il dans cette en allée une manière de quête d’un amor mundi. Qui le retrouve cet amour du monde, qui se réconcilie, même fugitivement, même fugacement, avec le monde et malgré sa dureté, peut alors s’estimer heureux. Au moins pour un temps. Car tout ceci, qu’on le sache, n’est jamais qu’une échappée. Car au bercail, dans ses pénates et quartiers, on finit toujours par revenir, le détour fût-il parfois long, Ulysse entre tous en sait quelque chose. Tout ça ne peut être qu’une échappée, ni plus ni moins, en attendant la prochaine. « Il va falloir tout recommencer ? Oui voilà ». Tout est à refaire, toujours, tout est à reprendre dès la petite aube. C’est là tout le sens du titre de Christine Spianti : chaque jour il nous faut faire l’effort d’aimer à nouveau ce monde. Qu’on le veuille ou non, « c’est comme cela, tout est à recommencer : vous disparaissez de la foule d’où vous venez ».

L’Effort du monde au matin pour
redevenir soleil

Christine Spianti
Maurice Nadeau
139 pages, 15

Sur la route Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°71 , mars 2006.
LMDA PDF n°71
4,00