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Égarés, oubliés Le pourfendeur de secrets

mars 2006 | Le Matricule des Anges n°71 | par Éric Dussert

Qu’il fût poète et bibliographe érotique ou socialiste insurrectionnel, Louis Perceau (1883-1942) fut un casseur de tabous fermement laïc.

Comme l’iceberg, Louis Perceau ne se devine pas par fragment. Il faut le saisir en entier pour se rendre compte de ce qu’il fut tout au long de sa vie. La parution d’une excellente biographie de ce « discret considérable » par Vincent Labaume est l’occasion rêvée d’évoquer cette figure de polygraphe engagé sans en oublier un bout. Il est vrai que Perceau n’a rien fait pour faciliter les choses : bien connu des amateurs de curiosa (les fripons adeptes de littérature licencieuse ou cochonne) qui fréquentent assidûment depuis 1913 la bibliographie qu’il tressa de L’Enfer de la bibliothèque nationale (Mercure de France, 1913) avec Guillaume Apollinaire et Fernand Fleuret, il est aussi une figure du socialisme révolutionnaire bien connu… des amateurs d’histoire politique. Pour autant, il doit l’essentiel de sa postérité à ses éditions érotiques qui figurent encore très régulièrement sur les catalogues à prix marqués de la librairie d’anciens. Sans compter que la fréquentation d’Apollinaire, bien plus que celle de Fleuret (1884-1945) un autre égaré celui-là, dont les éditions Farrago ont réédité le chef-d’œuvre, Jim Click, ou la merveilleuse invention (2002)… dans une curieuse indifférence ne lui aura assuré qu’une aura de second couteau.
L’épisode le plus curieux de la vie de Louis Perceau, né le 22 septembre 1883 à Coulon, dans les Deux-Sèvres, au sein d’une famille de tailleurs, c’est la découverte qu’il fit, adolescent, dans le grenier familial : une édition de Malherbe lui tombe sous la main qui va modifier sa vie. Saisi par les vers bouleversants de la « Consolation à Du Perier » (1599), Perceau, qui se destinait au métier paternel, s’éprend de la poésie pour longtemps. Plus tard, en 1905 lorsqu’il tâtera pour la première fois de la geôle parce qu’il a cosigné « l’affiche rouge » destinée à enseigner la désobéissance aux conscrits (six mois ferme), c’est le latin qu’il apprendra. Il a 22 ans. Il fera à cette occasion une autre découverte, celle des Satyriques, dans l’anthologie d’Adolphe Van Bever publiée deux ans auparavant. Dès lors, l’ex-tailleur, qui est devenu en 1906 journaliste à La Guerre sociale, organe antipatriotique de Gustave Hervé, le meneur des socialistes insurrectionnels, ne cessera plus de hanter la Bibliothèque nationale pour en déguster les beautés cachées. Là, tout en occupant le poste de lieutenant d’Hervé, il fait la connaissance des lascars Apollinaire et Fleuret occupés comme lui à dénicher la perle rare. La fraternisation ne tarde pas d’autant que, leurs sujets se recoupant aisément, les trois « Pieds nickelés bibliographes » peuvent entreprendre, en précurseurs, une édition mémorable : la bibliographie des livres de l’Enfer dont Pascal Pia, le disciple de Perceau en la matière, reprendra le flambeau avec le brio que l’on sait il aura été à bonne école en bénéficiant d’un accès à la phénoménale collection personnelle de Perceau, soit quatre siècles de luxure imprimée. Avec les mêmes lascars, il collabore aux éditions des frères Briffaut sous la marque de la Bibliothèque des curieux. Seul ou avec Fleuret, il y publiera vingt-six ouvrages érotiques ou licencieux de l’Ancien Régime jusqu’au XIXe siècle : l’abbé de Choisy, Sade, La Fontaine, jusqu’à un Malherbe égrillard !
Le credo de Perceau est simple : comme Charles Nodier, il considère « l’utilité relative des plus mauvais livres du monde ». Une façon documentaire d’ouvrir à tous l’immense placard des tabous, et de préparer la libéralisation des mœurs. À une époque de censure vigilante, l’établissement de notices bibliographiques purement analytiques (mais tellement précises…) est le meilleur outil de divulgation. Effet annexe : l’édition des actes de procès pour sodomie ou bestialité, ou de celui de Gilles de Rais offriront à Klossowski un sujet et aux futurs tenants de l’école historique des Annales une nouvelle méthode d’exploitation des archives policières ou judiciaires. Rien ne se perd.
Mais Perceau est aussi chauffeur de meetings, membre de l’Organisation Internationale du Travail, militant laïc, chansonnier paillard, collectionneur de contrepèteries, résistant de la première heure et… poète. Son œuvre personnelle se résume à cinq petits volumes, le plus souvent publiés, comme l’essentiel de ses éditions, sous pseudonyme. Ici, Alexandre de Vérineau ailleurs, Helpey ou, avec Fleuret « Ratdeville et Deschamps », « Chevalier de Percefleur », Dr Ludovico Hernandez, etc. C’est donc Alexandre de Vérineau qui signe en 1920 Les Priapées, un astucieux ouvrage composé comme une édition savante, glossaire et index compris, une mise en abyme érotico-érudite qui pourrait, elle aussi, en démontrer aux tenants de la post-modernité. Pour n’en citer qu’un bout et pourquoi non ? citons le titre de quelques poèmes : « Pour foutre un pauvre coup, mon Dieu, qu’on a de mal », « Le trou qui chie a plus d’un droit », « Do par le vit a rendu l’âme », ad libitum. Louis Perceau quant à lui décédera d’un cancer le 20 avril 1942, au terme d’une vie bien remplie. Et au dam du Saint-Siège, bien entendu.

* Louis Perceau, le polygraphe de Vincent Labaume
Bibliographie établie par Pierre-Alexandre Soueix, Jean-Pierre Faur éditeur, 256 pages, 25

Le pourfendeur de secrets Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°71 , mars 2006.
LMDA PDF n°71
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