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Domaine français Désastres en série

avril 2006 | Le Matricule des Anges n°72 | par Lucie Clair

Dans les méandres d’un amour manqué, un homme erre entre remords et regrets. Un roman doux-amer de Yun Sun Limet, à prendre ou à laisser.

Comment avec une intrigue improbable, et un dénouement convenu, parvenir à susciter chez le lecteur l’émotion qui jaillit de la fréquentation du vrai ? Ce roman est une gageure que nous soumet Yun Sun Limet. Un musicien en devenir capte l’attention d’une très jeune fille dans une petite ville hanséatique le nom en restera inconnu, mais on n’est pas très loin d’Amsterdam vit quelques semaines mois ? un amour libre, et la quitte sur la promesse d’un retour pour tenter sa chance aux États-Unis. Elle a préféré rester vendeuse dans un magasin de bricolage, lui promet de l’attendre. La distance s’emploie à tisser ses pièges, l’absence se prolonge, l’impossibilité à faire avec devient patente, licence de ce non courage de l’amour qui ne sait pas s’avouer. « Prononcer » tu me manques « , et c’est déjà trop, on regrette de l’avoir dit, on rajoute au vide, on ne le dit donc plus, bien que ce soit le seul message, l’unique objet de ces appels. » De ce flirt aux allures de roman feuilleton naîtra une idylle perdue minant le narrateur, qui se « dilue dans une tristesse inconnue ». Soumis aux aléas des contrats et des retournements de fortune, l’homme ne parviendra jamais à oublier cet amour renié, auquel il a donné si peu de confiance. « La perte d’horizon, et tout le corps suit le dérèglement » : à bout de souffle, il reviendra donc malade et appauvri, mourir dans les bras de la femme qu’il n’a jamais cessé d’aimer, et enfin oser le lui dire. Il serait tentant de poser le livre, l’ayant terminé, et de se dire qu’il s’agit là d’une belle et édifiante histoire. « En amour il ne faut pas être paresseux » serait la morale à en tirer car on ne peut s’empêcher de voir derrière tout cela un point de vue moral.
Pour autant il règne dans ces pages un esprit qui donne à voir et à vivre avec une authenticité et une réelle intelligence les dérapages anodins des élans du cœur, les petites lâchetés, les reculades, les oublis, les actes manquants, ceux qui n’ont pas été faits à temps dans le déroulé d’une relation, qui font ces trous dans le puzzle de l’histoire, empêchant les autres pièces de s’assembler. Le regard lucide, la plume précise, drôle, et parfois ironique de l’auteur autorisent alors un basculement, par-delà les apparences et les clichés. Elle nous entraîne pour une visite des lieux où se déploient ces absences à soi-même, quasi imperceptibles au moment où elles se produisent, et qui deviennent manifestes lorsqu’elles exposent leur conséquence, cette part d’emprisonnement. On n’est jamais victime que de soi-même.
« Dans le chant, il y a cette chose bizarre qu’on n’atteint que par un travail qui n’a rien de technique. La concordance parfaite entre les mots, la musique et sa voix. Au moment où on atteint cet accord, cette entente, l’émotion sourd comme l’eau de la terre. C’est une curieuse alliance de maîtrise totale et de laisser-aller, d’abandon. » Le travail de Yun Sun Limet suit cette même recherche. Primée en 2004 pour son premier roman en Belgique, où elle vécut dès l’âge de 3 ans, et où elle a soutenu une thèse sur Maurice Blanchot, elle est aujourd’hui éditrice chez Fayard et maîtrise sans conteste cette alliance. Ce deuxième ouvrage nous dit qu’il lui reste peut-être encore quelque chose à lâcher, une dernière certitude, pour que ce chant se propage dans sa liberté. De cet Amsterdam, construit en vase clos, qu’il s’agisse de la chanson de Brel, reprise comme canevas, de la ville néerlandaise où le couple passe ses uniques vacances, ou de son verso américain havre ultime de la déchéance, on hésite entre se dire qu’il y a là une approche fine et pointue du cœur humain, de sa bêtise, de ses apitoiements sur soi-même, des mièvreries qui constellent parfois les amours ratées et regretter que certains poncifs doivent être déployés pour nous en faire saisir la saveur. « Une phrase me vient à l’esprit : où est la vraie vie ? » Est-il nécessaire de se le demander ?

Amsterdam
Yun Sun Limet
L’Olivier
179 pages,18

Désastres en série Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°72 , avril 2006.
LMDA PDF n°72
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