C’est une véritable faveur que nous fait Patrick Wald Lasowski en nous offrant, après Le Traité des mouches secrètes et Le Traité du transport amoureux, cent délicieuses petites pages tournant autour de cet art du plaisir dont le XVIIIe siècle a fait une de ses spécialités, lui qui a mis la bibliothèque dans le boudoir et conjugué le désir à toutes les formes de civilité. Cent pages nouant et dénouant le ruban des faveurs, depuis celles qui « amusent les désirs (mais les amuser, c’est les accroître et réclamer des faveurs nouvelles) » – jusqu’à l’ultime. Cent pages de frémissements, d’enfièvrement, d’audace et de défi, où l’esprit le dispute sans cesse à l’avidité, et où l’élégance et la lucidité sont les marques d’un véritable art de vivre.
Car en ce siècle qui vit la conjonction des Lumières et du libertinage, on sut associer le plaisir sensuel à un jeu et à des rituels où le goût, le dit et le non-dit avaient autant de place que le désir. Un plaisir sans culpabilité, sans confusion des sentiments – « Des faveurs, tant que vous voudrez. De l’amour ? N’y comptez pas » –, mais passant par des délais, des résistances, des caprices, des faveurs et des disgrâces. Parce qu’« accordée, refusée, la dernière faveur ne prouve rien » : elle participe du marché du plaisir, du « commerce généralisé (des biens, des idées, des plaisirs) ». Convoquant Crébillon, La Bruyère, Montesquieu, Sade et quelques-uns des Romanciers libertins du XVIIIe (dont il dirige l’édition, dans la Pléiade), Patrick Wald Lasowski s’amuse à dénuder les termes, à évoquer ce qui nous hante tous : l’ultime faveur, celle qui tient aux manières de jouir, et dont Rousseau osa l’aveu – cette fessée reçue à 8 ans « par la main d’une fille de trente ans » et qui décida de ses goûts, de ses passions.
Richard Blin
L’Ultime faveur de Patrick Wald Lasowski
Le Promeneur, 112 pages, 17,50 €
Essais Bienfaits libertains
mai 2006 | Le Matricule des Anges n°73
| par
Richard Blin
Un livre
Bienfaits libertains
Par
Richard Blin
Le Matricule des Anges n°73
, mai 2006.