Les amateurs de psychologie amoureuse et conjugale seront ici comblés. Malgré sa foi dans l’institution et dans la valeur du mariage, elle finit par divorcer. Lui aussi, d’ailleurs. La seconde également. Car ce sont trois narrateurs qui, successivement, nous emportent dans le flux de leurs pensées, dans leurs récits autobiographiques. Entre « ces éclopées de la vie », trône « ce malentendu tragique qu’on appelle l’amour ». Il lui suffit de trouver un « ruban violet » dans le précieux portefeuille de son mari pour aller au-delà d’un banal soupçon d’adultère et comprendre que le mystère de son être lui est inatteignable. L’époux basculera ensuite dans une passion effrénée, alors que l’on découvre le personnage pivot de la domestique, taraudée par l’ambition, qui s’insère dans les failles du couple pour mieux l’éclater. L’histoire du trio et divers comparses, dont un écrivain, progresse jusqu’aux bombes sur une bibliothèque, jusqu’à l’arrivée des Russes, la chasse aux koulaks, la fuite racontés depuis l’exil à New York…
Le plus convaincant dans ce roman est que sous ses abords intimistes, il se mue rapidement sous nos yeux en fresque sociale d’une Hongrie splendide et disparue, bouleversée. Antifasciste déclaré, Sándor Márai, né en 1900, fut pourtant vite rejeté par le régime communiste au point de devoir se réfugier aux États-Unis où il se suicida en 1989. Ce « révolté », pour reprendre le titre d’une de ses romans, qui publia Les Confessions d’un bourgeois et des Mémoires de Hongrie, mais dont le titre phare reste peut-être Les Braises, est aujourd’hui un auteur très prisé par une jeunesse hongroise en quête de libertés nouvelles.
Métamorphoses d’un mariage de Sándor Márai
Traduit du hongrois par Georges Kassai et Zeno Bianu, Albin Michel, 462 pages, 22,50 €
Domaine étranger Tempête sous un mariage
novembre 2006 | Le Matricule des Anges n°78
| par
Thierry Guinhut
Un livre
Tempête sous un mariage
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°78
, novembre 2006.