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Domaine étranger Le Livre des livres

novembre 2006 | Le Matricule des Anges n°78 | par Thierry Cecille

À son habitude, Alberto Manguel nous entraîne dans un labyrinthe riche de découvertes à travers ce royaume qui est aussi le nôtre : celui des livres.

La Bibliothèque, la nuit

Entre les propos esthétisants du dilettante bien né inutile de citer des noms et la thèse universitaire avec son appareil sa forteresse ? de notes en bas de page et de bibliographie pléthorique, peut-être faudrait-il oser inventer un genre on dirait : voyage spirituel pour regrouper ces essais qui, depuis quelques années, allient érudition et subjectivité, notations autobiographiques et considérations esthétiques. Après Magris (de son Danube à L’Anneau de Clarisse), à côté de Calasso (La Ruine de Kasch) ou encore de Nooteboom (Le Labyrinthe du pèlerin), Manguel nous a ainsi offert, pour le plaisir intense d’une dévoration gourmande, une Histoire de la lecture et un Dictionnaire des lieux imaginaires. Il s’agit bien, ici encore et nous pouvons oser ajouter une citation au florilège qu’il nous offre (la nôtre n’a pas le privilège de l’originalité) d’explorer ce monde qui est peut-être le seul véritable puisque, Proust l’affirme à la fin de La Recherche, « La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent vécue, c’est la littérature. »
L’accès privilégié à ce monde est bien entendu la bibliothèque, les bibliothèques, qu’elles soient nationales et monumentales, individuelles et plus modestes, ou même mentales. Nul doute que le fantôme de Borges, bibliothécaire aveugle et cerveau-bibliothèque, guide Manguel dans ce dédale, tel Virgile Dante, avant que celui-ci, à son tour, nous précède. L’excursion pleine précisément d’excursus, de digressions, de tours et de détours commence dans sa propre bibliothèque, la nuit : « Quand les lampes sont allumées dans la bibliothèque, le monde extérieur disparaît et rien n’existe plus que cet espace empli de livres. A quelqu’un qui se tiendrait dehors, dans le jardin, la bibliothèque, la nuit, pourrait apparaître comme une sorte de vaisseau, telle cette étrange villa chinoise qu’en 1888 la capricieuse impératrice Cixi fit construite, semblable à un bateau échoué, sur le lac du jardin de son palais d’Eté. » C’est alors dans ce vaisseau que nous embarquerons en sa compagnie, et, sans quitter, nous non plus, notre chambre (Voyage autour de ma chambre, regrette Manguel, aurait été un titre adéquat, si De Maistre ne l’avait déjà utilisé !), nous aborderons des rives proches ou plus lointaines, jusqu’aux contrées de l’imaginaire et de l’utopie. Nous visiterons la « librairie » de Montaigne et croiserons les « biblio-bourricots » qui arpentent les régions les plus reculées de la Colombie rurale où il arriva une seule fois que des villageois refusassent de rendre un livre : l’Iliade, car ils jugeaient que le récit d’Homère reflétait « exactement leur histoire » ! Nous apprendrons que le poète anglais Lionel Johnson avait fait fabriquer, chez lui, « des étagères suspendues au plafond, comme des lustres » et nous découvrirons des bibliothèques « de hasard », telles celles des cités caravanières de Mauritanie, où les voyageurs déposaient et retrouvaient, sans qu’aucun ordre fixe y régnât, sans qu’une institution s’en chargeât, « volumes d’astronomie, de sociologie, de commentaires du Coran, de grammaire, de médecine et de poésie. »
« L’humeur vagabonde » (épigraphe de Robert Burton) de Manguel suit les trajectoires des livres, puisque chacun d’entre eux a son destin (« Habent sua fata libelli »), tragique même pour certains : face aux autodafés des nazis (il fallut plus de vingt-quatre heures pour brûler les volumes vénérables de la yeshiva de Lublin !) résiste quelque temps l’improbable bibliothèque du bloc 31 d’Auschwitz, « construit spécialement pour les enfants », qui « consistait en huit livres, dont A Short History of the World, de H.G. Welles ». Cet autre monde propose en fait, à celui qui la visite ou s’y installe, « un juste équilibre entre savoir et ignorance, souvenir et oubli », une source où boire non pas le Léthé mais le vin fort de la mémoire et de l’espoir, avant de s’en retourner dans la réalité que nous lirons alors avec peut-être plus de perspicacité et de sagesse.

La Bibliothèque,
la nuit

Alberto
Manguel
Traduit de l’anglais par Christine
Le Bœuf
Actes Sud
335 pages, 23

Le Livre des livres Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°78 , novembre 2006.
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